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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/964

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qui, en retirant aux prêtres les registres de l’état civil, assure désormais la liberté du mariage entre personnes de cultes différens. Par suite de l’accroissement du commerce sur les rives de la Plata et de ses affluens, la navigation y est devenue plus importante que sur tous les autres fleuves réunis de l’Amérique du Sud. Près de 2,500 navires, y compris 100 bateaux à vapeur voguent sur les eaux intérieures de la république argentine, et transportent dans l’année plus de 1 million de tonnes de marchandises[1]. Enfin dans les provinces de la Plata comme dans la Bande-Orientale, les habitans se sont mis avec une sorte de fièvre à l’exécution de grands travaux publics ; les chemins de fer argentins se prolongent rapidement à travers la pampa pour atteindre des localités naguère inconnues à la géographie, et déjà des compagnies offrent de construire des lignes ferrées se dirigeant des bords de l’Atlantique jusqu’à la base même des Andes.

Un fait explique l’étonnante activité des habitans de la Plata, relativement si peu nombreux. En dépit du traité d’alliance, les deux républiques de la Bande-Orientale et de la Plata sont devenues des puissances neutres dans la guerre du Paraguay. Les premiers efforts qu’elles ont faits leur suffisent : depuis longtemps, Montevideo n’envoie plus un homme aux camps, et le contingent de la république argentine, comparé au nombre des recrues brésiliennes, est d’une faiblesse dérisoire. Les subsides votés par les chambres de Buenos-Ayres ne forment non plus qu’une part bien minime dans le total énorme des sommes qui se dépensent dans la grande lutte. La haine contre le Brésil et la sympathie pour le Paraguay augmentent sans cesse, et ne permettent pas au gouvernement de continuer avec persévérance des hostilités contre Lopez ; peu à peu les Argentins sont devenus de simples spectateurs du terrible drame dont le Brésil et le Paraguay font tous les frais. En même temps ils sont les intermédiaires commerciaux du grand mouvement d’hommes et de denrées qui s’opère entre Rio-de-Janeiro et le campement du Tuyucué. C’est à Montevideo, à Buenos, Ayres et dans, les villes riveraines du Parana que se dépensent les millions du trésor brésilien ; tandis que les impôts sont doublés et que les assignats remplacent l’or dans l’empire appauvri, les deux républiques recueillent au contraire toutes les richesses que prodigue leur puissant voisin pour satisfaire son ambition de conquête.

  1. Au 30 septembre 1867, le nombre total des navires qui desservent les côtes fluviales était de 2,490, jaugeant 114,000 tonneaux, et montés par 14,544 matelots, dont plus de 12,000 italiens. La navigation de la Plata s’est accrue d’un quart pendant l’année courante.