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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/967

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En dehors des ressources fictives que procure le papier-monnaie, les seuls moyens de subvenir aux énormes besoins du trésor sont les cotisations volontaires et l’impôt. L’empereur dom Pedro, très désireux de contribuer à l’allégement des charges du peuple, a donné l’exemple des sacrifices patriotiques en faisant abandon du quart de sa liste civile, qui du reste est déjà fort minime, comparée à celle des autres souverains[1] ; toutefois il n’a été suivi dans cette voie que par les princes de sa famille ; les députés et les sénateurs l’ont très vivement applaudi, mais ils n’ont point imité son désintéressement. Ils se sont bornés à voter avec divers amendemens la grande augmentation d’impôts qui leur était proposée par le ministre Zaccarias. Le produit des nouvelles taxes est évalué d’avance à une trentaine de millions par an, soit au sixième des recettes nationales ; toutefois il est à craindre qu’elles n’aient pour résultat d’amoindrir les ressources ordinaires en diminuant les charges. Elles frappent l’importation et l’exportation, de même que les héritages et tous les actes relatifs à la transmission des propriétés ; elles grèvent l’exercice de toutes les industries, les loyers, les courtages ; elles sont prélevées sur les lettres de change et les factures, sur les billets de loterie, et les titres honorifiques. La servitude des noirs devient aussi une source de revenus pour le gouvernement, puisque les maîtres doivent acquitter par tête d’esclave une taxe variant de 10 à 27 francs, suivant les localités. Au point de vue fiscal, le plus dangereux de tous ces impôts est celui qui pèse sur l’exportation des denrées agricoles ; le droit de 9 pour 100 qu’elles acquittent à la sortie, et auquel s’ajoutent encore les taxés perçues par les provinces, est beaucoup trop fort pour que la production et le commerce n’en soient pas gravement atteints[2]. Ces impôts sont en réalité une forte prime donnée aux pays étrangers qui récoltent les mêmes denrées que le Brésil. La pénurie du trésor est telle que le gouvernement se voit obligé de sacrifier ses ressources futures pour les besoins du présent ; c’est ainsi que, sans l’opposition du sénat, il eût essayé de vendre pour une trentaine de millions le chemin de fer de dom Pedro II, qui rapporte chaque année plus du tiers de cette somme.

  1. Elle est de 2,160,000 francs. Dès son arrivée au Mexique, l’empereur Maximilien avait fixé sa liste civile a une somme trois fois plus forte.
  2. Le commerce extérieur du Brésil s’est élevé, pendant l’année fiscale 1865-1866, à 295 millions de milreis, environ 800 millions de francs : c’est un mouvement d’à peu près 80 fr. par tête de Brésilien. Le commerce de la Plata a été dans la même année de plus de 400 millions de francs ; en tenant compte de la moindre population, les échanges des républiques platéennes sont donc proportionnellement de deux à trois fois plus forts que ceux de l’empire voisin.