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ce qu’ils soient en état de s’attaquer aux insectes ou aux petits poissons dont ils font leur proie. Cette vésicule les condamne à l’immobilité et les met hors d’état de se soustraire par la fuite à la voracité de leurs ennemis, parmi lesquels les larves des insectes aquatiques ne sont pas les moins redoutables. De tous les poissons, les salmonidés sont donc ceux qui ont le plus à craindre dans leur jeunesse des circonstances extérieures ; c’est à eux que la pisciculture peut s’appliquer avec le plus d’avantage, et dans le fait c’est à la multiplication de cette espèce qu’on s’est particulièrement attaché. Un autre motif justifie d’ailleurs cette prédilection : ce sont les résultats remarquables auxquels on est arrivé sous ce rapport en Irlande et en Écosse.

Le saumon, on le sait, est un poisson voyageur qui, habitant la mer pendant la plus grande partie de l’année, remonte les fleuves à l’époque du frai, et s’avance dans les divers affluens secondaires jusqu’à ce qu’il ait trouvé les eaux pures et le lit de galets qui lui sont nécessaires pour la ponte. Aussitôt celle-ci terminée, il retourne à la mer avec les jeunes saumons de la ponte précédente, qui l’année suivante reviendront à leur tour visiter les mêmes lieux pour y déposer leurs œufs, car, on l’a remarqué, ces poissons sont fidèles aux ruisseaux qui les ont vus naître tant qu’ils y trouvent des conditions favorables à la reproduction. On conçoit dès lors combien il est important de supprimer tous les obstacles qui s’opposeraient à ces voyages périodiques pendant lesquels les riverains peuvent se livrer à une pêche très fructueuse. De tous ces obstacles, les plus sérieux sont les barrages naturels ou artificiels, lorsqu’ils sont trop élevés pour que les saumons puissent les franchir d’un seul bond ; aussi a-t-on cherché à en faire disparaître les in convenions par la construction d’échelles à saumons (salmon’s ladders) qui, en Irlande et en Écosse, sont aujourd’hui très répandues. Ce sont des escaliers qui rachètent la hauteur du barrage par une série de petites chutes faciles à franchir. Ces constructions, partout où elles ont été établies, ont eu d’excellens effets, et ont attiré les saumons dans des cours d’eau où jusqu’alors il ne s’en était jamais montré. Dans un rapport publié à la suite d’un voyage d’exploration dans le royaume-uni, M. Coumes, alors ingénieur en chef des travaux du Rhin et directeur de l’établissement de Huningue, raconte que depuis l’établissement de ces échelles le produit des pêches en Irlande et en Écosse s’est accru dans des proportions considérables ; on l’évalue pour ces deux contrées à plus de 700,000 livres sterling (17,500,000 francs). Encore ce chiffre ne représente-t-il que le produit net, car il ne comprend que le revenu des propriétaires ajouté au bénéfice des pêcheurs. La seule rivière de Spey en Écosse