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nemens de pêche n’ont aujourd’hui que quelques kilomètres de longueur et ne sont loués que pour un laps de temps de neuf années ; aussi les fermiers cherchent-ils à tirer de leur lot le meilleur parti possible et se gardent-ils bien de s’imposer le moindre sacrifice qui pourrait en même temps profiter aux autres. Il n’en serait plus de même, si chaque cours d’eau était loué dans toute sa longueur à un même individu ou à une même compagnie ; celle-ci, ayant intérêt à ce que le poisson fût abondant, établirait des réservoirs d’engraissement, installerait des frayères naturelles ou artificielles, construirait des échelles à saumons où elle le jugerait convenable et ferait surveiller la pêche par ses agens ; en un mot, elle ne craindrait pas d’engager des capitaux dans une entreprise dont elle serait sûre de tirer des bénéfices. La suppression de l’inscription maritime ou tout au moins de la faculté donnée aux marins de pêcher dans les fleuves serait la conséquence naturelle de l’adoption de ce régime. Il faudrait toutefois prendre les mesures nécessaires pour empêcher que cette compagnie ne se mît au lieu et place de l’état, et que, sans faire aucune dépense, elle sous-louât pour son compte son droit à des pêcheurs de seconde main.

Pour nous résumer, nous dirons que la pisciculture, envisagée comme moyen de féconder artificiellement les œufs de poissons, ne mérite pas tout le bruit qu’on a fait autour d’elle, et qu’elle est absolument incapable à elle seule de lutter contre le dépeuplement des cours d’eau occasionné soit par un défaut de surveillance, soit par une exploitation défectueuse ; mais, si on la considère comme embrassant l’ensemble des moyens physiques et économiques par lesquels on parvient à favoriser la multiplication du poisson et à accroître ainsi la masse des substances qui servent à la nourriture de l’homme, on ne peut contester qu’elle ne soit digne d’une sérieuse attention, et qu’elle n’ouvre aux observateurs un vaste champ d’expériences, aussi curieuses pour le savant qu’utiles pour le consommateur.


J. CLAVE.