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Caprara ne prît sur lui, comme il arriva effectivement, de n’exécuter qu’imparfaitement des ordres dont la signification n’avait cependant rien d’ambigu. Voici d’ailleurs la lettre presque entière du souverain pontife ;


« On a porté enfin la violence, disait Pie VII, jusqu’à mettre la main sur quatre de nos cardinaux, et à les conduire à Naples au milieu de la force armée, excès auquel il ne manque que la violation de notre personne elle-même pour que l’on puisse dire que le scandale a été complet. Dans cet état des choses, notre longanimité deviendrait une faute, et il ne nous est plus absolument permis de ne pas faire au moins connaître la douleur et l’horreur que nous éprouvons pour ce qui vient d’arriver. Nous ne pouvons, par le séjour de notre représentant auprès du gouvernement français, donner plus longtemps à penser que nous ne sommes pas profondément blessé de la persécution que l’on nous fait souffrir, et de l’oppression manifeste du saint-siège... Notre intention est donc que, si notre capitale n’est pas sans retard évacuée par les troupes françaises, vous demandiez vos passeports, et, après avoir enlevé vos armes, vous partiez avec le cardinal de Bayanne, notre légat extraordinaire, pour venir partager avec nous et vos confrères le sort qui nous est réservé. Nous ne voulons pas croire que l’on vous refuse les passeports, mais enfin, si cela était, notre volonté absolue est que vous partiez quand même, au risque de souffrir une violence personnelle qui n’en sera qu’une de plus ajoutées à celles souffertes sous nos yeux par vos confrères et à celles endurées par nous-même à la face de l’Europe entière. Si on exécute une telle violence personnelle, nous voulons que dès ce moment soient suspendus tous les pouvoirs dont vous et votre collègue avez été par nous investis, et nous vous en défendons tout usage sans exception aucune. Nous vous ordonnons, en vertu de l’obéissance que vous nous avez jurée et des devoirs qui en dérivent, l’entière et stricte observation de nos ordres, sans vous permettre d’élever aucune considération sur les effets que vous croirez pouvoir en résulter, attendu que c’est là notre pensée (pensiero), notre soin, et non le vôtre. C’est là ce que, dans la profonde douleur de notre âme, nous avons dû vous signifier, contraint par nos devoirs et par la nécessité de faire disparaître le scandale de notre coupable longanimité[1]. »


La résolution à laquelle venait de s’arrêter Pie VII était de sa part un acte tellement personnel, elle lui avait été si bien inspirée par la violence faite aux cardinaux napolitains, qu’à la suite de sa lettre se trouvait écrit de sa main le post-scriptum suivant :


« Ce matin, 4 mars, on a de plus ordonné le départ dans quarante--

  1. Bref du pape Pie VII au cardinal-légat Caprara, 3 mars 1808.