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rope des semences de discussions et de discordes. La postérité, en la louant d’avoir rétabli le culte et relevé les autels, la blâmerait d’avoir laissé l’empire, c’est-à-dire la plus grande majorité de l’Europe, exposé à l’influence de ce mélange bizarre contraire à la religion et à la tranquillité de l’empire. Cet obstacle ne peut être surmonté qu’en séparant l’autorité temporelle de l’autorité spirituelle, et en déclarant que les états du pape font partie de l’empire[1]. »


À cette note, dictée pour M. le comte de Champagny, étaient joints deux décrets datés comme elle du 17 mai 1809.


« Considérant, disait le premier de ces décrets, qu’à l’époque où Charlemagne, empereur des Français et notre auguste prédécesseur, fit donation de plusieurs comtés aux évêques de Rome, il ne les leur donna qu’à titre de fiefs et pour le bien de ses états, et que par cette donation Rome n’a pas cessé de faire partie de son empire ; que, depuis, ce mélange du pouvoir spirituel avec une autorité temporelle a été, comme il l’est encore, une source de discussions et a porté trop souvent les pontifes à employer l’influence de l’un pour soutenir les prétentions de l’autre ; qu’ainsi les intérêts spirituels et les affaires du ciel, qui sont immuables, se sont trouvés mêlés aux affaires terrestres, qui par leur nature changent selon la circonstance et la politique des temps ; que tout ce que nous avons proposé pour concilier la sûreté de nos armées, la tranquillité et le bien-être de nos peuples, la dignité et l’intégrité de notre empire avec les prétentions temporelles du pape, n’a pu se réaliser, nous avons décrété et décrétons ce qui suit : Article 1er. Les états du pape sont réunis à l’empire français… Article 5. Les terres et domaines du pape seront augmentés jusqu’à la concurrence d’un revenu net et annuel de deux millions… »


Le second décret nommait les membres de la consulte extraordinaire qui devait au 1er juin prendre possession des états du pape et arrêter les dispositions nécessaires pour que le passage de l’ordre ancien au nouveau régime fût accompli sans secousses au 1er janvier 1810. Le général Miollis, gouverneur-général de Rome, était nommé président de la consulte extraordinaire ; Salicetti, ministre de la police du roi de Naples, en était le vice-président. Les sieurs de Gerando, Janet, del Pozzo, maîtres des requêtes au conseil d’état, en faisaient partie, ainsi que l’auditeur de Balbe.

Mais il fallait un chef pour conduire de haut toute cette affaire de Rome. L’empereur avait fait choix du nouveau roi de Naples, Joachim Murat. Les relations de Napoléon avec son beau-frère avaient été depuis quelque temps assez tendues. Murat, qui avait

  1. Note pour M. le comte de Champagny, ministre des relations extérieures, 17 mai 1809. — Correspondance de l’empereur Napoléon Ier, t. XIX, p. 13.