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encore le 17 juin 1809, c’est-à-dire sept jours après que la bulle d’excommunication avait été affichée à Rome, l’empereur écrivait au roi de Naples : « Vous avez vu par mes décrets que j’ai fait beaucoup de bien au pape ; mais c’est à condition qu’il se tiendra tranquille. S’il veut faire une réunion de cabaleurs, tels que le cardinal Pacca, il n’en faut rien souffrir et agir à Rome comme j’agirais envers le cardinal archevêque de Paris, J’ai voulu vous donner cette explication. » Au 17 juin, peut-être l’empereur n’avait-il pas reçu encore les nouvelles de Rome du 10 juin ; mais certainement elles étaient parvenues à Schœnbrunn le 19 juin. À cette date, le général Miollis avait eu le temps de prévenir l’empereur et de prendre ses ordres. Voici la réponse qu’il en recevait : « Je vous ai confié le soin de maintenir la tranquillité dans mes états de Rome. Vous ne devez souffrir aucun obstacle… Vous devez faire arrêter, même dans la maison du pape, tous ceux qui trameraient contre la tranquillité publique et contre la sûreté de mes soldats. Un prêtre abuse de son caractère et mérite moins d’indulgence qu’un autre, lorsqu’il prêche la guerre et la désobéissance à la puissance temporelle, et lorsqu’il sacrifie le spirituel aux intérêts de ce monde que l’Évangile dit n’être pas le sien[1]. » La lettre écrite à la même date à son beau-frère le roi de Naples est plus explicite encore ; les termes n’en laissent rien dans le vague. « Je vous ai déjà fait connaître que mon intention était que les affaires de Rome fussent menées vivement et qu’on ne ménageât aucune espèce de résistance. Aucun asile ne doit être respecté, si on ne se soumet pas à mes décrets, et sous quelque prétexte que ce soit on ne doit souffrir aucune résistance. Si le pape, contre l’esprit de son état et de l’Évangile, prêche la révolte et veut se servir de l’immunité de sa maison pour faire imprimer des circulaires, on doit l’arrêter. Le temps de ces scènes est passé. Philippe le Bel fit arrêter Boniface, et Charles-Quint tint longtemps en prison Clément VII, et ceux-là avaient fait encore moins. Un prêtre qui prêche aux puissances temporelles la discorde et la guerre au lieu de la paix abuse de son caractère[2]. » Le roi Murat et le général Miollis savaient désormais à quoi s’en tenir et ce que l’empereur désirait d’eux. Il se mirent en devoir de l’accomplir.

  1. Lettre de l’empereur au général Miollis, 19 juin 1809. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XIX, p. 137.
  2. L’empereur Napoléon au roi Joachim Murat ; 19 juin 1809. — Correspondance de l’empereur Napoléon Ier, t. XIX, p. 138.