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de Paris, qu’elle considérait comme son ennemi depuis qu’il ne lui avait pas permis de faire dire la messe dans sa maison; c’est qu’ils lui avaient refusé un confesseur pour lui donner l’absolution et lui permettre d’être dame du palais; c’est que plusieurs d’entre eux prêchaient avec une singulière liberté sur la vie scandaleuse du roi. En les frappant, elle assouvissait une rancune. Dans les affaires extérieures, Mme de Pompadour poussa de tout son pouvoir à cette volte-face subite de la politique française, à ce bouleversement des alliances d’où sortait la guerre de sept ans; mais quel était son mobile? Elle ne pouvait pardonner à Frédéric II de Prusse ses continuels persiflages. Ce roi, qui n’était pas tendre pour les femmes, avait trop dédaigné les avances qu’on lui faisait. Il parlait avec trop d’irrévérence de ce qu’il appelait les petits charmes de la marquise. Quand Voltaire lui portait les complimens de Mme de Pompadour, il répondait sèchement : « Je ne la connais pas. » L’Autriche au contraire, pour avoir l’alliance française, dont elle avait besoin, mettait moins de hauteur dans sa diplomatie. Elle allait là où était le pouvoir. M. de Kaunitz flattait la favorite dans sa vanité. Marie-Thérèse lui envoyait des présens et lui écrivait peut-être; dans tous les cas, elle lui témoignait certains égards. La politique autrichienne pansait les blessures que faisait la brutalité du roi de Prusse; M. de Choiseul venait là-dessus montrer à l’orgueil de la favorite la perspective d’un grand rôle, de conquêtes à faire pour la France dans les Pays-Bas, et c’est ainsi que devenait possible ce traité de Versailles, que la marquise se plaisait à consacrer par un monument futile comme elle. Cette guerre de sept ans au reste fut pleine de déboires pour Mme de Pompadour aussi bien que pour la France. Après avoir fait la paix à contre-temps ou du moins avec imprévoyance en 1748, la marquise déchaînait la guerre à contre-temps. Vainement, vers la fin, M. de Choiseul couvrait le désastre de la politique française par le succès du pacte de famille : le coup était porté. Mme de Pompadour avait soulevé contre elle une sorte d’exécration. Elle s’affaissait sous l’impopularité. Elle n’osait plus aller à Paris de peur d’être insultée; et les épigrammes sanglantes pleuvaient plus que jamais.

C’est bien la peine d’avoir vingt ans de domination pour en venir là. Mme de Pompadour disait avec amertume et d’une façon assez singulière : « Ah ! ma vie est comme celle du chrétien, un combat perpétuel. Il n’en était pas ainsi des personnes qui avaient su gagner les bonnes grâces de Louis XIV. » Elle s’était agitée en effet, et en définitive à quoi arrivait-elle? Elle avait contribué à précipiter la France sur la pente de toutes les corruptions; elle avait irrité le sentiment populaire par l’arrogance de son faste. Elle avait avili le roi, ce roi qui avait laissé voir comme un éclair à Fontenoy, et qui vingt ans après disait tristement : « On me nommait ci-devant le bien-aimé, je suis aujourd’hui le bien--