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y a aussi l’affaire de M. Stanton, le ministre énergique qui a dirigé la guerre sous M. Lincoln, et que M. Johnson a renvoyé de son département comme un adhérent trop rigide de l’opinion républicaine. Si le président n’hésite point à braver le pouvoir législatif, le congrès ne fait aucune difficulté de restreindre les facultés les plus naturelles du pouvoir exécutif. On conteste à M. Johnson le droit de renvoyer l’ancien ministre de la guerre, et celui-ci, armé d’une résolution législative, pourra plaider devant une cour judiciaire pour obtenir sa réintégration dans son ancien ministère. La liberté rectifie toutes les irrégularités et entretient la vie dans ce désordre apparent. Le bon sens prévaut dans la conduite des questions financières, une nombreuse majorité a repoussé une proposition subversive du général Butler, qui demandait que les États-Unis, violant leurs contrats d’emprunt, ne payassent plus qu’en papier les intérêts de leurs obligations. On doit espérer aussi que les droits intérieurs sur la production du coton seront prochainement réduits ; puis l’on approche du moment du renouvellement du pouvoir exécutif. On agite les noms des prétendans à la présidence. Au mois de mai prochain les représentans des partis se réuniront en convention pour fixer les candidatures. Le nom du général Grant est celui qui est le plus communément prononcé, et qui semble devoir réunir des votes nombreux dans les rangs des deux partis. Le général manœuvre avec habileté sa candidature. Sa tactique est le silence. Il attend les avances et n’en fait lui-même aucune à la popularité. Son beau-frère, le général Dent, a laissé transpirer par une lettre qui est parvenue à la publicité les idées circonspectes du général Grant. Ce document est curieux et prouve qu’entre les exagérations des partis un homme éminent, qui doit bien connaître son pays, auquel il a rendu de si grands services, croit plus habile de suivre une ligne intermédiaire. D’après M. Dent, le général Grant ne veut être ni le candidat républicain ni le candidat démocratique à la présidence ; il voudrait être nommé par le peuple en dehors des organisations actuelles des partis. Le général est enchanté de sa position présente et ne la quitterait que s’il était convaincu qu’il aurait de plus grands services à rendre à son pays. Il n’accepterait la présidence qu’à la condition de n’être ni lié ni embarrassé par les affiliations et les plates-formes des partis. Il ne veut point se prononcer sur les questions de politique générale avant que l’heure des solutions soit arrivée ; de là sa répugnance à se laisser interroger sur des programmes ou enfermer dans certaines lignes d’action. Tout en réclamant la liberté d’action pour lui-même, le général Grant ne désire point agir en dehors de la volonté populaire ; il prendrait à tâche, s’il était élu, d’étudier les intérêts et les vœux populaires, et de faire pour la nation ce qu’elle voudrait faire pour elle-même. Que les questions de partis soient abandonnées à la brigue électorale des hommes du congrès, et le général Grant s’empressera d’obéir à la volonté populaire, manifestée par les élections des représen-