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quand ces prétendus afflux de sève rendraient compte de certains résultats, quelle signification peuvent-ils avoir dans les effets de transmission ? Un homme s’avance dans un champ de sensitives, moins que cela, il s’arrête à la lisière, touche du pied ou du bout de son bâton les individus les plus rapprochés de lui, et voilà que de feuille en feuille et de branche en branche vole, jusqu’à l’extrémité du champ, la nouvelle qu’un ennemi est en vue, que la république est en danger, et la république, épouvantée, replie feuilles et tiges, n’ayant nul autre moyen de défense.

On comprend sans peine ici l’insuffisance de toute explication banale. Une seule chose est incontestable, c’est que les causes sensibles font complètement défaut. Les plus habiles physiologistes ont maintes fois et vainement poursuivi la solution de ce problème sur le terrain de l’anatomie. La mimosée, disséquée de toute façon, n’a révélé ni fibre plus ou moins nerveuse, ni muscles tant soit peu irritables, et ce fameux renflement lui-même situé à la base du pétiole et dans lequel s’opèrent manifestement les inflexions n’a fourni aux investigateurs qu’un tissu cellulaire mou, flexible et contenant, en même temps que de nombreux petits globules, des cellules remplies d’un liquide coagulable. Ce tissu du reste ressemble d’une façon surprenante à la matière muqueuse des animaux gélatineux, et il ne faut pas chercher ailleurs que dans la contractilité même de ces matières la cause occasionnelle des mouvemens qu’elles transmettent. Un dernier exemple, le plus curieux de tous peut-être, même après l’histoire de la sensitive, nous est fourni par la dionée attrape-mouche, plante qui croît dans les contrées ombragées et marécageuses du nord de l’a Caroline. Ici, tout est bizarre, même la forme. Les pétioles de la dionée, fortement élargis, se terminent par un appareil extraordinaire. C’est une feuille divisée en deux lobes que réunit une sorte de charnière ; des cils raides bordent ces lobes, à la surface desquels des glandes nombreuses sécrètent un liquide visqueux et sucré. Lorsqu’un insecte vient se poser sur l’irritable et perfide végétal, celui-ci ferme rapidement ses pinces, et retient prisonnière jusqu’à la mort l’indiscrète ou trop confiante victime. Après cela, le piège se rouvre ; nouvelle mouche, autre détente subite et nouvelle capture. Ainsi se passe l’existence de la dionée attrape-mouche.

Tels sont les phénomènes généraux de la sensibilité végétale. Les faits abondent, on le voit. Toutefois une dernière objection demeure, il s’agit de l’absence du système nerveux chez les végétaux. Les nerfs, a-t-on dit, sont les organes de la sensation ; or les végétaux en sont dépourvus, donc chez eux nulle sensation n’est possible. Que n’ont-ils été logiques jusqu’au bout ces physiologistes, et