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LADY TATTERSALL
MÉCOMPTES ET TOURMENS D’UN CHAPERON
DRAME EN TROIS SAISONS[1].


I. — PREMIÈRE SAISON. — l’ÉLIGIBLE.

Je vous estime fort heureux, si vous avez rencontré souvent sur les arides sentiers de la vie mondaine une personne aussi obligeante, aussi bienveillante et aussi sympathique que la comtesse Helena M…, et pourtant, si vous ne vous êtes jamais un peu moqué d’elle, je vous estime plus réservé que les dix-neuf vingtièmes de vos congénères. Cela n’empêche pas la comtesse, — à mes yeux tout au moins, — d’être charmante : charmante malgré ses faiblesses, charmante à cause de ses faiblesses mêmes, car elles la classent en dehors de ces infaillibilités hautaines et méprisantes qui nous dominent, nous autres pécheurs, de toute la hauteur de leur bêtise immaculée. Et tout d’abord, quels excellens petits dîners elle donne, soit dans son appartement de Lowndes-square, soit dans sa villa de Twickenham, où le parfum des géraniums absorbe et noie les fétides émanations de la Tamise ! Quelle bénignité dans son accueil souriant, combien elle porte sans effort le fardeau de ses

  1. Sous l’étrange pseudonyme de Ouïda, on a vu, dans ces dernières années, se produire un écrivain dont l’exubérante imagination, la verve facile, l’esprit courant, la désinvolture aristocratique, ont appelé l’attention du public anglais. Nous empruntons à un recueil de nouvelles qu’il a récemment publié la disposition générale et les principaux élémens de l’esquisse que nous offrons aujourd’hui à nos lecteurs. Ce recueil, intitulé Cecil Castlemaine’s Gage, and other Novelettes, a paru, il y a peu de mois, chez les éditeurs Chapman and Hall.