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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 janvier 1868.

La loi militaire va être votée. Rarement un projet de loi a donné lieu, chez nous, à des débats aussi prolongés, aussi vastes, aussi variés. Peut-être le moment serait-il bien choisi pour résumer cette grande controverse, pour montrer le fil conducteur d’un système à travers une œuvre législative compliquée de détails, et qui n’est apparue encore au public, dans le compte-rendu des séances de la chambre, que morcelée. Il faudrait maintenant embrasser l’ensemble de cette discussion, définir et classer les principes qui s’y sont combattus, apprécier les efforts, le talent, l’inspiration patriotique des orateurs, évaluer la force positive que la nouvelle loi militaire donnera au pays. Il n’y a qu’un malheur, c’est qu’une pareille tâche n’est plus à notre portée. Par un caprice qui sera regardé plus tard comme un des plus bizarres du système politique actuel, le droit de la presse périodique à discuter et apprécier les débats des chambres est mis en question. On dresse contre les journaux qui ont osé se livrer à cet examen l’accusation de contravention positive à une disposition formelle de la constitution. Celle-ci a décidé que les journaux ne devraient publier que l’un des deux comptes-rendus officiels : la sténographie complète du Moniteur, ou le résumé analytique rédigé sous la direction du président de la chambre. On prétend assimiler à un compte-rendu prohibé cette sorte de participation que la presse prend dans les pays libres aux débats parlementaires en portant des jugemens sur les questions agitées et sur la conduite et le talent des chefs politiques et des orateurs. Cette contestation des droits de la presse libre a été élevée justement à propos de cette loi militaire, si étroitement liée aux destinées nationales, et qui a produit dans le pays une émotion si vive. Il faut évidemment que nous soyons placés sous la baguette de la fée des contresens et des contre-temps pour qu’une pareille querelle soit faite à la