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LE
JAPON EN 1867

I.
LA VIE JAPONAISE, LES VILLES ET LES HABITANS.

Si l’on veut être en mesure de juger sainement un pays à peu près inconnu, il faut y vivre assez longtemps pour dépouiller le vieil homme. Lorsque ce pays s’appelle le Japon, qu’il vit isolé à l’autre bout du monde, c’est alors surtout qu’il est bon de s’oublier soi-même, de se plier docilement aux conditions d’une existence nouvelle, de faire taire enfin tout sentiment d’amour-propre national. Quel peuple ne s’abandonne volontiers au penchant de croire que rien n’est beau ni logique en dehors de ce qui porte l’empreinte de sa fabrique ou de ses mœurs ? Ce n’est pas qu’à notre époque de cosmopolitisme il soit, comme au temps de Montesquieu, difficile de concevoir qu’on puisse être Persan ; encore nous arrive-t-il de sourire à la vue d’un Chinois ou d’un Japonais, dont le teint, le costume, la démarche, nous paraissent le comble de la laideur et du ridicule, sans songer qu’à l’autre extrémité de la terre on ne se fait pas faute de hausser les épaules au spectacle de nos vêtemens, de notre tournure et de nos habitudes. Bien que nos rapports suivis avec le Japon ne soient ni très anciens ni toujours faciles, cependant on peut dire que depuis plusieurs années un contact jusque-là impossible a déchiré le. voile mystérieux qui enveloppait ce peuple, et nous a mis à même d’en apprécier l’intéressante originalité. Il n’y a pas seulement plaisir, il y a profit à lier plus ample