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prépare longtemps à l’avance avec toutes les émotions du plaisir la toilette qu’elle doit inaugurer à la prochaine fête. Ce jour-là, elle se lève de très bonne heure, et, tandis que sa robe gît immaculée dans quelque coin de la chambre, elle subit avec impatience les lenteurs de la coiffeuse. Il y a dans ce genre des artistes célèbres auxquelles il faut des heures d’étude et de travail pour arriver à composer quelque gracieux, édifice à la mode, bien lissé et bien pommadé, dans lequel se perd à moitié un morceau de crêpe coquettement choisi et que traversent de grosses épingles en écaille blonde ou à tête de corail. Il faut le confesser, la nature ne fait pas tous les frais de ce chignon, et, si de la chevelure nous descendons au visage, nous devons nous convaincre que nous n’avons rien à enseigner aux Japonaises en fait de maquillage. Voici toute une collection de petites boîtes que l’on vient de retirer d’une cachette ; il y a des blancs de toute espèce pour le cou, les bras, la figure, du rouge pour la bouche et la joue, du noir pour les yeux, de l’or même pour les lèvres, et tout cela ne sert pas à dissimuler une vieillesse décrépite ; les enfans sont les plus fardés. En dehors de cette coquetterie, universelle malgré son mauvais goût, le costume est des plus simples et toujours bien choisi. Une robe de soie, sombre généralement, recouvre une chemise en crêpe formée de petits morceaux de toutes couleurs, un véritable manteau d’arlequin où le vert brillant coudoie le rouge vif. Si c’est l’hiver, le costume est complété par un manteau court dont la doublure, comme épaisseur, suit les variations de la saison. La robe est longue, sans forme, ouverte d’une extrémité à l’autre ; elle bouffe dans sa partie supérieure ; la taille est serrée par une ceinture gigantesque, couvrant à la fois le ventre et l’estomac, et se terminant derrière par un nœud énorme dont la confection plus ou moins élégante a demandé un long examen et bien des retouches. Les manches pendent comme de larges poches. A la ceinture sont passés la pipe dans son étui de velours et le portefeuille, qui renferme deux petites baguettes à manger en argent, si l’on veut faire honneur à l’hôte qui offre le repas. Dans un coin du portefeuille brille un petit miroir, produit européen ; notre civilisation a fait*brèche de ce côté. Les pieds sont nus pendant la plus grande partie de l’année, chaussés de bas de coton blanc pendant l’hiver ; ils reposent sur une vandale en bois verni que deux supports de même nature maintiennent à distance suffisante du sol pour n’en prendre ni la boue ni l’humidlté. La sandale est garnie de paille tressée, quelquefois de velours, et retenue au pied par un gros cordon de drap que l’on passe entre le pouce et l’index. S’il pleut, elle est recouverte en cuir ou en papier. Dans tous les cas, elle n’a jamais les honneurs de l’appartement.