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peu à peu d’antiques préjugés. Les méthodes modernes n’existaient pas encore, ou n’avaient pas reçu la sanction de l’expérience ; très peu d’astronomes en comprenaient la portée et la valeur : aussi les hommes d’état et les architectes d’alors sont bien excusables de n’avoir pas eu à ce sujet des vues plus larges. Il n’en est pas moins vrai que la construction de l’observatoire que Louis XIV fit ériger d’après les plans de Claude Perrault, de 1668 à 1671, et qui coûta plus de deux millions de livres, fut pour la science un malheur irréparable. La France perdit à cette occasion l’honneur d’inaugurer une nouvelle ère en astronomie, car le donjon que Perrault avait conçu, et qui fut exécuté malgré les réclamations les plus énergiques des hommes du métier, était complètement impropre aux observations du ciel. La direction du nouvel établissement fut confiée à Jean-Dominique Cassini, que l’on appela d’Italie, et qui ne tarda point à exciter l’enthousiasme de la cour et du public par des découvertes plus curieuses qu’importantes, dont l’éclat passager devait éclipser les mérites beaucoup plus sérieux des astronomes français qui l’entouraient. L’Angleterre prit alors les devans ; l’observatoire de Greenwich, fondé en 1676, s’éleva facilement au premier rang, et les travaux de Flamsteed, de Bradley, posèrent les fondemens de l’astronomie, tandis que l’observatoire de Paris tombait en ruine sous la dynastie des quatre Cassini. Pendant cent soixante ans, ce colosse de pierre arrête le progrès de la science, et les tentatives timides qui sont faites de loin en loin pour y acclimater l’observation ne servent qu’à faire ressortir plus clairement les défauts de cet édifice inhospitalier. Des constructions exécutées à des époques récentes ont fini par mettre l’observatoire de Paris en état d’exécuter la plupart des travaux qui se font ailleurs, de sorte qu’il tient aujourd’hui un rang honorable parmi les établissemens les plus renommés. On a néanmoins examiné à plusieurs reprises l’opportunité qu’il y aurait à le démolir pour bâtir ailleurs un observatoire plus commode et conçu entièrement d’après les principes que l’expérience de deux siècles a consacrés ; toujours on s’est décidé pour la conservation de ce monument, rempli de souvenirs historiques, en se contentant de prendre les mesures qui paraissaient les plus propres à en atténuer les défauts. En ce moment même, la translation de l’Observatoire est remise en question, elle vient de soulever des discussions longues et violentes. L’Observatoire résistera-t-il cette fois aux velléités de destruction dont il est l’objet ? C’est ce qu’il est difficile de prévoir. On peut cependant s’étonner que, pour avoir un observatoire meilleur, on croie nécessaire d’en démolir un qui peut encore servir. La Grande-Bretagne possède une trentaine d’observatoires publics ou privés, l’Amérique