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traitèrent même directement pour le revenu ou l’impôt avec chaque indigène, qu’ils considéraient comme fermier et non plus comme serf. Ils appliquaient ainsi les procédés suivis par eux dans l’Inde, et rendaient aux Hollandais, en cas de rétrocession de la conquête, leur rentrée en possession plus difficile. En 1816, les traités contraignirent les Anglais à quitter l’île ; mais en l’évacuant ils fondèrent un port franc, Singapore, pour lutter, au moyen d’un entrepôt général de toutes les marchandises et de tous les produits de ces contrées, contre l’exportation similaire de Java. C’était agir en bons politiques, car ils dominaient ainsi le détroit de Sumatra, et se campaient à l’entrée des mers de Chine, où leur marine de commerce, la seule qui naviguât à cette époque, restait maîtresse de l’importation et de l’exportation.

Les Hollandais, en rentrant dans leurs droits, respectèrent les ventes faites ; mais, au lieu de traiter en quelque sorte avec chaque habitant indigène, ils s’arrangèrent avec les villages entiers pour la quotité et la répartition de l’impôt. Ils gardèrent la corvée, qui, selon la semaine javanaise, était due un jour sur cinq, et la coutume du pays qui donnait au maître un tiers du revenu de la terre. Ces charges devinrent bientôt exorbitantes, car les indigènes, par respect et par religion, continuaient, après avoir soldé leur redevance aux Hollandais, à payer leurs anciens seigneurs et l’entretien de leur propre culte. On estime qu’à cette époque l’impôt que payaient réellement les Javanais s’élevait à un tiers et souvent à la moitié du produit net. Aussi, jusqu’en 1832, non-seulement l’île ne rapportait rien, mais, l’excédant des dépenses sur les recettes augmentant toujours, le déficit atteignit en 1833 près de 70 millions, c’est-à-dire la valeur d’une année et demie du revenu total à cette époque ; tous les impôts étaient en arrière, les terres obérées, engagées dans les mains des Chinois, les usuriers du pays. La Hollande ne pouvait longtemps supporter une pareille charge. La colonie et la mère-patrie marchaient à leur ruine d’une manière si évidente, que tout remède, même violent, paraissant un moyen de salut, on accepta, bien qu’elles exigeassent pour être appliquées une première mise de fonds considérable, les idées proposées par le général van den Bosch, qui partit en 1832 comme gouverneur des Indes néerlandaises. Il fit reconnaître en principe que l’état restait propriétaire de tout le sol, que la terre ne serait plus aliénée, et que les Hollandais gouverneraient au deuxième degré. Des seigneurs indigènes qualifiés du titre de régens furent ainsi accrédités auprès des résidens européens comme chefs directs de toute la population. Ayant seuls le droit apparent de donner des ordres, ils assumaient la responsabilité et au besoin l’odieux de tous les actes