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de l’administration. C’était accorder aux Javanais un semblant de gouvernement national, tout en laissant aux résidens une autorité réelle sur les régens, qu’ils conseillaient, nommaient et payaient.

Le général fit liquider immédiatement l’arriéré par les Pays-Bas eux-mêmes, en ouvrant en Hollande un livre de la dette de l’île, dette purement administrative, au capital de 74 millions, chiffre qui représentait celui du déficit, et dont la colonie dut payer la rente à perpétuité. Il fut fait remise à chacun de toute la valeur de l’impôt en retard ; les terres furent libérées, ainsi que le travailleur, qui n’en garda que l’usufruit. Le travail forcé fut à peu près aboli, la corvée en nature fut maintenue un jour sur sept seulement, enfin l’impôt foncier fut fixé comme auparavant au cinquième du revenu. Une compagnie privilégiée, au capital de 75 millions de francs avec intérêt à 4 pour 100 garanti par l’état, fut créée à La Haye pour faire les avances nécessaires au planteur et fonder les usines à sucre. Le travail des villages fut encouragé et la rentrée des impôts facilitée par le gouvernement, qui payait d’avance, un peu avant la maturité, la moitié de la récolte sur estimation des notables, et l’autre moitié quand on la faisait rentrer dans les magasins coloniaux. Le prix d’achat au poids pour les divers produits dut être fixé d’avance et rester immuable. On choisit pour l’indigène un taux rémunérateur, mais bien au-dessous de la valeur réelle. L’état bénéficiait donc de la plus-value de la vente faite postérieurement en Hollande, et l’indigène ne se plaignait pas d’être insuffisamment rétribué, car les vivres, les objets de nécessité première, se maintenaient à des prix extrêmement modérés. Les bâtimens nationaux pouvaient seuls transporter les produits de l’île. Ils étaient à cet effet nolisés à tour de rôle, et les armateurs de Hollande avaient à peu près tous les deux ans un voyage assuré au fret élevé de 120 francs le tonneau. Dans les premières années de ce système, le monopole de l’état accapara la culture du thé, du tabac, de l’indigo, du sucre et du café. Il abandonna bientôt les trois premières productions, qui ne pouvaient donner aucun bénéfice sérieux, et se réserva la plantation exclusive des cannes et des caféiers. Les terres restées libres depuis les Anglais et celles vendues par l’empereur de Solo et le sultan de Préanger, en vertu de leurs droits régaliens, respectés par les Hollandais, furent seules exemptées de l’obligation de vendre toute la récolte à l’état ; elles payèrent seulement l’impôt du cinquième du revenu en nature.

Le mécanisme de ce vaste engrenage est facile à saisir. Le blanc, à de rares exceptions près, n’est que l’employé, le gérant pour l’état. Il contrôle, surveille et dirige. Le gouvernement encourage et protège la culture du riz, base de l’impôt foncier et nourriture