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des Gallas à Oarkèt, qui s’était réfugiée chez lui (les Gallas semblent avoir conservé la vieille coutume éthiopienne de la gynécratie), puis il fit couronner par son armée les escarpemens du plateau voisin de Magdala, et somma la garnison de lui rendre la place. Le commandant convoqua un conseil de guerre qui se prononça pour une résistance énergique, et, comme Théodore approchait, Menilek rentra dans son sauvage royaume ; sa précipitation ne l’empêcha même pas d’être atteint et mis en déroute. Les gens de Daont, Talanta et Ghechen, furieux contre le waagchum, qui les avait sottement compromis et abandonnés, ont fait leur soumission au négus, et font affluer les provisions à son camp. Cette, triste campagne des cheftas coalisés a bien justifié le mot dédaigneux du négus. « Quand même, a-t-il dit, Kassa, Menilek et Gobhesié réuniraient leurs armées contre moi, je n’aurais qu’à leur lancer un bâton pour les mettre tous en fuite. » Le waagchum s’est consolé de son échec en écrivant à sir Robert Napier une lettre amicale où il lui dit : « Reposez-vous sur moi du soin d’observer l’ennemi commun et de lui résister ; ne vous laissez pas tromper par Kassa, l’homme le plus fourbe de l’Abyssinie. » On peut juger par ce fait de l’union qui règne parmi les cheflas, et en Angleterre on commence à les apprécier à leur juste valeur. Le Times a déjà raillé le waagchum. « Ce gentleman distingué, dit-il, a une qualité qu’on a crue jusqu’ici spécialement anglaise : c’est de ne pas savoir quand il est battu. Puisqu’il est question de lui faire un présent, nous conseillons de lui envoyer une bonne lunette d’approche afin qu’il continue à surveiller le négus : encore sera-t-il bon de lui faire observer que le rapprochement produit par cet engin n’est qu’apparent. » En attendant, Théodore a dû célébrer les fêtes de Noël à Magdala.

Les Anglais, eux, en sont à douze étapes au moins, et ces douze étapes représentent un mois pu six semaines, s’ils ne réussissent pas à sortir rapidement des embarras qui naissent de la question des subsistances, bien autrement compliquée pour eux que celle des opérations militaires. Quoique le désert ait été franchi et qu’on soit entré dans les districts populeux et cultivés, la difficulté de s’approvisionner est telle qu’on a pu lire dans un rapport émané de l’intendance même, si nous avons bonne mémoire : « Nous nous sommes tenus pour heureux non d’assurer le service des subsistances pour un temps plus ou moins long, ce qui serait en ce moment chimérique, mais seulement d’avoir pu nourrir l’armée au jour le jour. » Il y a là, nous l’avouons, un point mal éclairci. L’intendance militaire chez nos voisins, défectueuse il y a quinze ans, s’est fort améliorée aujourd’hui. Ni le zèle, ni l’intelligence, ni l’argent, ne lui manquent pour remplir les fonctions qui lui ont été