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propos inconsidérés ou contradictoires du scepticisme, de la fatigue morale ; mais nous n’attachons point une grande importance à ce désordre de sentimens et d’idées, dont nous avons eu si souvent parmi nous le triste spectacle. Nous espérons que M. de Beust, avec son esprit conciliant et persévérant, viendra à bout de ces difficultés.

On assure que les rapports entre la cour des Tuileries et le cabinet de Florence sont redevenus excellens et intimes. Qu’attend-on pour rappeler notre dernière brigade ? Par notre prompte évacuation, nous relèverions l’influence du gouvernement et du parti modéré sur le pays ; nous servirions l’Italie dans son travail de réorganisation financière, qu’elle ne peut mener à bien sans recourir au crédit. Les forces de l’ordre et de la conservation ne peuvent être rétablies en Italie que par une haute marque de confiance significative donnée par la France au gouvernement italien. Peut-être la meilleure médecine pour les peuples malades serait-elle ce qu’on pourrait appeler l’hygiène économique. Il est des états dont la conservation est nécessaire à l’Europe, et qu’il n’y a d’espoir de soutenir que par un bon traitement économique. Tel est par exemple l’empire ottoman. Si les diplomaties des puissances qui lui sont bienveillantes, celles de la France, de l’Angleterre, de l’Autriche, s’unissaient pour guider et aider la Turquie dans l’exploitation de ses ressources matérielles, la plus grande difficulté de la question d’Orient serait peut-être résolue. Il y aurait là sans doute l’occasion d’un rapprochement désintéressé et efficace des politiques de France et d’Angleterre. On trouve à la fois dans les bruits auxquels donnent lieu les agitations orientales beaucoup de contradictions et beaucoup de fantasmagorie. Dans ces derniers jours, les propagandistes slaves semblaient prêts, sous l’incitation des Roumains et des Serbes, à faire des soulèvemens en Bulgarie. Les provinces danubiennes devaient rompre tout lien avec la Porte, se constituer en royaume indépendant et s’appuyer sur la Russie. Ceux dont la question d’Orient trouble la cervelle comme un opium ou un haschich enivrant prétendaient que la France venait de passer une note à la Russie pour protester contre ses menées en Turquie. Il n’y a jamais eu plus fausse nouvelle ; il n’y a eu aucun échange de notes entre Paris et Pétersbourg. Pétersbourg paraît même être devenu plus sage : les instructions de cette cour à ses agens en Orient recommandent que, tout en montrant toujours présent le patronage russe, on conseille aux populations slaves et orthodoxes la patience et le maintien de la paix. Remercions donc la modération provisoire de la Russie, mais la France et l’Angleterre feraient mieux de mettre cordialement la main à la besogne pour fortifier les élémens chrétiens de l’empire ottoman par l’organisation et la suite de bonnes mesures économiques. e. forcade.