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premiers travaux d’une exactitude et d’une richesse qu’on n’était pas habitué à trouver dans de simples livres de classe ou dans des jeux d’esprit.

Une question posée par l’Académie française amena M. Le Clerc à s’occuper de travaux plus élevés. L’Académie avait mis au concours pour 1812 l’éloge de Montaigne ; M. Le Clerc et M. Villemain concoururent, le prix fut décerné à M. Villemain ; toutefois l’ouvrage de M. Le Clerc fut mentionné honorablement. Un peu de déclamation, un certain dédain pour le moyen âge, dont l’étude devait être plus tard l’occupation et l’honneur de sa vie, déparaient cet essai de jeunesse ; mais les plus nobles sentimens, un attachement filial au XVIIIe siècle, dont il partageait l’enthousiasme philosophique, y répandaient beaucoup de chaleur et de vie. Les principes de M. Le Clerc étaient dès lors arrêtés. Il s’avouait hautement le disciple de cette grande école française qui a tant fait pour la raison et pour l’humanité. Dans la maison de Mme de Rémusat, il avait pu voir quelques-uns des derniers représentans de cette forte génération que des pygmées et des déclamateurs se vantaient témérairement d’avoir dépassée, entre autres Morellet, alors dans son extrême vieillesse, qui lui parlait d’original de Fontenelle, de Montesquieu, de Voltaire. Ce fut M. Le Clerc que l’on chargea de liquider la succession littéraire du judicieux abbé. Les Mémoires sur le XVIIIe siècle et sur la Révolution, avec leurs divers supplémens, parurent par ses soins et avec des notes de lui. Il recueillait encore la meilleure tradition du passé par M. Daunou, qui avait pour lui une bonté paternelle, par le philanthrope éclairé Morel de Vindé, qu’il visitait souvent dans son riche domaine de La Celle Saint-Cloud, par l’abbé L’Écuy, le dernier abbé général de l’ordre de Prémontré, homme d’une rare instruction en histoire littéraire, qui ne contribua pas peu à la grande érudition ecclésiastique de M. Le Clerc. Divers recueils, entre autres la Quinzaine littéraire, le Lycée français, fondé par MM. Ch. Loyson, Villemain, Patin, recevaient en même temps de lui une collaboration active et variée.

L’érudition qui causait aux élèves du lycée Charlemagne tant d’étonnement fut enfin appelée à des emplois plus dignes d’elle. M. Royer-Collard, alors tout-puissant dans les choses de l’instruction publique, ne pouvait négliger un sujet de si rare mérite. En 1821, M. Le Clerc fut nommé maître de conférences à l’École normale. L’école bientôt après fut supprimée par suite de mesquines susceptibilités. En 1824, M. Le Clerc fut appelé à la chaire d’éloquence latine à la Faculté des lettres de Paris. Il ne chercha pas à rivaliser avec les maîtres célèbres qui vers le même temps inauguraient à la Sorbonne une brillante forme d’enseignement. Si le cours