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qu’il fit pendant dix années n’eut ni l’éclat ni la célébrité des cours de MM. Guizot, Cousin, Villemain, il n’en eut pas non plus les dangers. Ce ne fut pas sa faute si, par suite de ces enivrans succès, l’enseignement supérieur en France s’est renfermé dans un cercle de brillantes généralités dont on s’est figuré qu’il ne peut sortir sans déchoir. Une solide connaissance historique de la prose latine, voilà ce qu’il aspirait à donner. Ce qu’il rappelait, c’était un savant de la solide école hollandaise, un Ruhnkenius, un Wyttenbach. Son cours fut pour lui-même un précieux exercice. Il y acquit cette admirable connaissance de l’antiquité qui devait être plus tard le secret de la supériorité de ses travaux.

Deux entreprises utiles, bien qu’elles appartiennent à des genres dont les vrais principes n’étaient pas alors connus en France, furent vers ce temps la principale occupation de M. Le Clerc. En 1826, il donna une édition de Montaigne. L’habitude de traiter les grands écrivains français comme des classiques dont on poursuit les moindres variantes d’orthographe n’existait pas encore. M. Le Clerc n’examina pas toutes les questions compliquées auxquelles donne lieu le texte de Montaigne ; mais les efforts qu’il fit pour expliquer l’origine des idées de l’illustre sceptique gardent tout leur prix. La grande édition des œuvres complètes de Cicéron, que M. Le Clerc publia de 1821 à 1825 en collaboration avec plusieurs de ses maîtres, de ses condisciples, de ses élèves ou de ses amis, Gueroult, J.-L. Burnouf, Naudet, Th. Gaillard, Ch. de Rémusat, fut aussi une bonne fortune pour les lecteurs instruits. Par son goût littéraire et le tour particulier de son esprit, M. Le Clerc semblait désigné pour être l’interprète de ce grand et beau génie qui a donné aux théories morales de l’antiquité leur forme sinon la plus originale, du moins la mieux appropriée au goût français. Les philologues universitaires à cette époque avaient le tort de ne pas recourir aux manuscrits. Pour la constitution du texte, le travail de M. Le Clerc a été dépassé par les critiques allemands ; mais la traduction, le commentaire, les dissertations renferment d’excellentes parties. C’était justement le moment où les œuvres de Cicéron s’enrichissaient de précieux débris arrachés aux manuscrits palimpsestes par les soins d’Angelo Mai et d’Amédée Peyron. Un des plus beaux écrits de Cicéron, le Dialogue de la république, sorte d’éloquent appel en faveur de la cause perdue du patriotisme et des vieilles institutions au moment où elles allaient disparaître, sortait, pour ainsi dire, des limbes du néant. M. Villemain venait d’en donner une traduction pleine d’élégance et d’éclat ; M. Le Clerc reprit le travail, et ce fut là, dans le champ des études antiques, son principal titre ; La critique du cardinal Maï n’était pas toujours égale