Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/389

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces influences physiques générales. Soit que l’explication des caractères et des civilisations par le fait de la race ait été compromise par une série de paradoxes, soit que la philosophie positive s’estime particulièrement tenue de ne s’arrêter qu’à des lois d’un caractère universel, nous voyons les positivistes s’accorder à rejeter les systèmes fondés sur les races parmi les pures hypothèses. « De tous les moyens vulgaires, dit Stuart Mill, d’échapper à l’étude des influences morales et sociales qui s’exercent sur l’esprit humain, le plus vulgaire est celui qui attribue les diversités de conduite et de caractère aux différences naturelles inhérentes à la race[1]. » L’excès de chaleur ou de froid, d’humidité ou de sécheresse, la nourriture, la disposition du sol favorisant la vie agricole ou la vie pastorale, l’aspect d’une nature terrifiante ou douce exaltant l’imagination, accablant la volonté ou bien encourageant l’homme et développant son activité, telles sont les lois physiques qui agissent de la manière la plus visible sur les sociétés. Elles ont exercé sur les principaux empires de l’Asie et de l’Amérique une puissance presque illimitée. L’histoire de l’Inde, de l’Égypte, du Mexique, du Pérou, s’explique par elles. Elles comportent un certain degré de civilisation après lequel l’homme s’arrête, vaincu par la nature. La civilisation proprement dite n’y peut descendre bien bas dans les rangs de la société ; l’aisance, c’est-à-dire le loisir, demeure le partage des castes supérieures. Misère énorme au sein d’une riche nature, abjection du plus grand nombre, aucun élément de démocratie, absence de progrès, attachement invincible à une antiquité fabuleuse, superstition accablante, déterminée par les volcans, les fléaux de la contrée où elle se développe, voilà les caractères de la civilisation dans les sociétés où les lois physiques exercent une action prépondérante. De ces contrées maudites où la nature triomphe de l’homme sans résistance, si nous passons à des régions plus heureuses où la nature moins accablante et pour ainsi dire moins forte permet à l’homme de réagir, aussitôt nous voyons les lois mentales entrer en jeu, obliger l’homme à gagner sa nourriture à la sueur de son front, tourner à son profit un climat plus tempéré, proportionner le gain à un travail plus constant, plus intelligent, diminuer l’inégalité des fortunes, acheminer les nations vers le progrès, affaiblir les terreurs et adoucir les superstitions. À ce propos, il n’est pas sans intérêt d’examiner la comparaison que l’auteur établit entre les dieux de l’Inde et ceux de la Grèce. Plus d’une fois on les a comparés pour faire ressortir les caractères de l’art ou de la philosophie des Grecs. Ici le rapprochement a pour résultat d’indiquer la source même de

  1. Principes d’économie politique.