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Le déchiffrement du système graphique persépolitain ou, pour employer une expression plus générale et plus juste, du système graphique iranien, a donc été le prélude des découvertes des assyriologues ; c’est du jour seulement où l’on s’est rendu complètement maître de la vieille langue et de l’écriture des Perses qu’on a pu marcher d’un pas ferme dans le déchiffrement des cunéiformes assyriens. Il y a maintenant près de deux siècles et demi qu’un voyageur romain, Pietro della Valle, signalait au village persan d’Istakhar, à douze lieues de Chiraz, dans les vastes ruines de l’antique Persépolis, des inscriptions en caractères formés par des traits tels qu’auraient pu les produire des empreintes de clous ou de coins. Il y reconnut une écriture et en devina la direction véritable, qui est de gauche à droite. Plus tard, de semblables textes épigraphiques furent rencontrés sur d’autres points de l’ancien empire persan. Sous une uniformité apparente, ces singuliers caractères, que le voyageur Chardin appelait cludiformes, nom qu’ils ont échangé depuis pour celui de cunéiformes, cachaient des systèmes graphiques différens ; mais, souvent réunis et placés en regard dans une même inscription, ces systèmes se confondaient aux yeux mal exercés des premiers observateurs. C’est au voyageur allemand Niebuhr que revient l’honneur d’avoir discerné dans les caractères cunéiformes trois systèmes distincts d’écriture. Il remarqua que bon nombre d’inscriptions se décomposaient en trois parties constituant trois inscriptions indépendantes l’une de l’autre, et dont les signes respectifs affectaient des arrangemens dissemblables. Sa découverte n’alla pas plus loin. Chose étrange, Niebuhr ne soupçonna pas qu’il y eût là trois textes, chacun en un idiome particulier, quoique l’histoire lui apprît que les actes des rois Achéménides étaient souvent écrits en plusieurs langues pour être compris des différens peuples de leur vaste empire. Un savant danois, Munter, qui a laissé d’excellens travaux, fut plus heureux. Ayant porté son attention sur quelques-uns de ces textes trilingues, et s’attachant surtout aux caractères qui occupent la première colonne, il en démêla la nature alphabétique. Ces inscriptions provenaient de la Perse ; rien n’était plus simple que d’admettre qu’elles étaient écrites dans la langue qui s’y était parlée. On possédait déjà de son temps, grâce à Anquetil du Perron, les livres de Zoroastre ; il fut dès lors possible à Munter de rapprocher les lettres des deux idiomes adoptés dans l’Avesta, le zend et le pehlvi, des groupes distincts reconnus par lui dans l’assemblage des traits bizarres du texte mystérieux. L’érudit danois proposa diverses identifications dont l’exactitude ne s’est pas toutefois vérifiée. Mieux servi par une sorte d’intuition que par l’observation attentive telle que l’avait poursuivie Munter, un antiquaire hanovrien, George-Frédéric Grotefend, réussit à