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déterminer la valeur vraie de plusieurs lettres. Son point de départ fut une pure hypothèse, mais il se trouva qu’elle était fondée. Grotefend supposa dans les textes cunéiformes que la tradition attribuait aux rois Achéménides l’emploi de la formule initiale des protocoles royaux qui a continué d’être en usage en Perse jusqu’à nos jours. Il parvint de la sorte à reconnaître la place du groupe qui représentait le mot roi, et, sachant par l’histoire ancienne la généalogie des Achéménides, il assigna également dans le texte incompris les groupes auxquels les différens noms dont se compose cette généalogie devaient correspondre. D’autres reprirent ce premier et heureux essai, le complétèrent en le corrigeant sur quelques points. Telle a été l’œuvre de Rask, d’Eugène Burnouf et de Lassen. Le déchiffrement avait révélé dans l’écriture cunéiforme persépolitaine un alphabet. Appliqué à la lecture des inscriptions ainsi écrites, cet alphabet fit apparaître une langue très voisine du zend. Aucun monument n’apporta une plus décisive confirmation de la sûreté de la méthode adoptée que la grande inscription de quatre cents lignes gravée sur le rocher de Bisoutoun, l’antique Bagastana, et accompagnée d’un bas-relief qui pouvait aider à l’intelligence de ce qu’elle contient. Le colonel anglais, depuis major-général, sir Henry Rawlinson, au courage duquel nous devons la connaissance de ce précieux document, utilisant les résultats obtenus par ses devanciers, parvint à traduire complètement la première colonne, autrement dit la partie persépolitaine. Dans ce curieux morceau, on lit l’histoire des premières années du règne de Darius, fils d’Hystaspe, et les faits relatés sont en accord remarquable avec ce qu’a rapporté Hérodote. L’authenticité de la généalogie de Darius que nous a transmise l’écrivain d’Halicarnasse fut par là mise hors de doute. La lecture de plus de cent vingt noms propres confirma les valeurs attribuées par Grotefend et ses successeurs aux signes cunéiformes. Un jeune orientaliste d’origine germanique que la France avait accueilli, M. Jules Oppert, en reprenant avec une critique plus sévère et plus pénétrante l’étude de l’écriture iranienne, acheva d’éclaircir les dernières difficultés. L’ancien idiome des Perses, qui se rapproche encore plus du sanscrit que le zend, leur langue sacrée, fut ainsi définitivement retrouvé, et un éminent philologue allemand, M. Spiegel, est en mesure de nous en donner la grammaire.

Ces résultats dotèrent la science de textes tout à fait intelligibles qui allaient permettre de déchiffrer les deux autres écritures des inscriptions trilingues. Les découvertes inattendues dont le sol assyrien était devenu le théâtre, en éveillant l’intérêt pour les antiquités de la Chaldée, rendaient les savans plus impatiens de comprendre les inscriptions qui accompagnaient tant d’admirables restes