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beaucoup moins à faire, après la proclamation de leur indépendance, pour entrer dans la carrière des progrès sociaux.

Cependant, si le Guatemala est encore dans l’Amérique centrale le boulevard du parti conservateur et le pays que la dictature militaire a le plus longtemps abaissé, on n’y jouit pas moins d’une liberté pratique bien supérieure à celle de presque tous nos vieux états d’Europe. Les citoyens, inviolables dans leurs demeures et sur la place publique, peuvent se réunir à toute heure et en tout lieu pour discuter leurs intérêts ; il n’existe même pas de police tracassière qui puisse les gêner dans l’exercice de leur droit. La presse, absolument libre, n’a rien à craindre des règlemens ni de la législation ; le journaliste n’a point à verser de cautionnement ni à payer de timbre ; la poste même transporte gratuitement les feuilles, car ces populations, qu’on dit encore plongées dans la barbarie native, n’ignorent point que la pensée humaine est sacrée, que le premier devoir d’un gouvernement est de se laisser juger par l’opinion. Les taxes sont très faibles, puisque, pour chaque habitant du Guatemala, ils s’élèvent à peine à la dixième partie des impôts acquittés en moyenne par le Français ou l’Italien ; mais, grâce à l’initiative individuelle, qui là-bas se développe librement sans être tour à tour sollicitée en paroles, puis réprimée par le pouvoir, les besoins les plus impérieux de la société, c’est-à-dire l’éducation et les travaux publics, n’ont point à souffrir de la pénurie du budget. C’est une association de membres volontaires, se gouvernant eux-mêmes et disposant de leurs capitaux, qui fonde les écoles, entretient l’université et les établissemens supérieurs d’instruction, enrichit les bibliothèques et les musées, distribue les graines, expose les instrumens et les produits agricoles et industriels ; c’est également une société libre, le Consulado del comercio, qui s’occupe du tracé des routes, du plan des édifices, des ponts, des jetées, et qui ne cesse d’insister auprès des communes et des particuliers pour l’exécution des travaux entrepris. Au Guatemala, il n’existe point de corps officiels, et les ingénieurs de l’état sont nommés directement par les citoyens eux-mêmes.

Les efforts de ces hommes vaillans qui prennent ainsi en main les intérêts de la nation tout entière sont très largement récompensés, car les progrès de la république en instruction et en bien-être sont des plus rapides. Quant à l’accroissement de la population, l’un des signes principaux de la prospérité d’un peuple, il n’est point de contrée, si ce n’est le Canada, le Paraguay, le Chili, qui puisse se comparer sous ce rapport au Guatemala. Dans tous les districts sans exception, les naissances sont beaucoup plus nombreuses que les décès : il est même des années particulièrement favorables pendant lesquelles la nativité dépasse la mortalité de 250