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routes et de travaux d’art : quand on regarde la belle carte officielle dressée par M. de Sonnenstern, on est étonné du nombre des chemins carrossables qui parcourent le pays dans toutes les directions. C’est aussi dans cette contrée que les échanges avec la Californie ont provoqué le plus rapidement l’introduction de nouvelles cultures industrielles ; le café, le coton, se sont ajoutés comme denrées d’exportation à l’indigo, qui naguère était le seul produit fourni par le Salvador au commerce du monde. Récemment des négocians du ; paya ne parlaient de rien moins que de fonder dans la capitale un palais d’exposition universelle et permanente, et les traces de l’embranchement qui doit unir les principales villes de la république au futur chemin ; de fer de Comayagua sont terminés. Du reste la population du Salvador est assez dense déjà ; elle est de 600,000 habitans, c’est-à-dire que, relativement à sa faible superficie, évaluée à 1,800,000 hectares, la petite république est aussi peuplée que le Danemark, le Portugal, la Roumanie, et dépasse de beaucoup la Grèce. Pour les contrées du Nouveau-Monde, c’est là une proportion très élevée ; elle est au moins décuple de celle qu’offre le Honduras, la république de l’isthme la plus salubre, la plus fertile peut-être, la plus riche en espérance et la plus pauvre dans le présent.

Le Nicaragua est loin de présenter une proportion d’habitans aussi forte que le Salvador : il y a une quinzaine d’années, le seul district habité de la république était l’étroite bande de terrain compris : entre les eaux de la mer du Sud et la dépression que remplissent en partie les deux lacs de Nicaragua et de Managua ; toutes les villes importantes, espacées de distance en distance, étaient disposées suivant une ligne droite de 180 kilomètres de longueur des frontières costa-ricaines aux bords de la grande baie de Fonseca. Actuellement le Tipitapa, la rivière marécageuse qui réunit les deux lacs et qui limitait jadis du côté de l’orient les territoires peuplés est resté bien loin en arrière de la foule croissante des émigrans ; les nombreuses vallées des Chontalès, de Matagalpa, de la Nouvelle-Ségovie, si fertiles, si charmantes, si riches en eaux courantes, en minéraux et en produits naturels, sont désormais annexées au domaine de la république ; des colonies s’établissent sur les larges fleuves, naguère inconnus, qui descendent vers la mer dès Antilles ; des explorateurs de chemins de fer se hasardent dans les forêts que parcouraient seules des tribus d’Indiens à la chevelure ornée de plumes. Et pourtant la période pendant laquelle se sont accomplis ces progrès de la colonisation a été marquée au Nicaragua par une crise terrible, que l’on a crue longtemps devoir être fatale à l’existence de la république elle-même.