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Le capital d’exploitation est énorme, 1,600 francs par hectare. L’exploitant de Masny aurait-il pu gagner autant en dépensant moins ? Question délicate que je ne me charge pas de résoudre. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’avec la moitié ou même le quart de ce capital beaucoup de fermiers font encore de bonnes affaires. J’ai évalué la moyenne du capital d’exploitation à 100 francs par hectare en France et à 100 francs en Angleterre ; mais ces chiffres embrassent toujours la surface totale du territoire, et en les réduisant aux terres cultivées on trouve 150 francs pour la France et 500 francs pour l’Angleterre. Nous serions déjà fort heureux que la moyenne du capital français fût doublée. Même à Masny, le capital d’exploitation n’a pas commencé par être ce qu’il est aujourd’hui ; il s’élevait à peine à la moitié il y a dix ans, et en remontant plus haut encore il ne dépassait pas le quart ; la ferme de Masny était pourtant dès lors connue et estimée, on peut s’en assurer par le rapport des inspecteurs de l’agriculture sur le département du Nord en 1843.

Malgré sa définition exclusive du produit net, M. Barral attache encore plus d’importance au produit brut. « Le produit brut, dit-il, importe beaucoup plus à un pays que le produit net ; le produit net intéresse particulièrement l’exploitant du sol, le produit brut est la grande affaire du pays. » Ici encore, je ne puis être de son avis. Le produit net, même entendu dans un sens plus large et comprenant la rente et l’impôt, n’intéresse pas moins le pays tout entier que le produit brut. Sans l’espoir d’augmenter le produit net, il y aurait beaucoup moins de produit brut, ce qui suffirait déjà pour montrer le lien étroit qui les unit ; mais il y a un autre point de vue qui révèle dans le produit net le principal agent de la civilisation et de la richesse. Cet excédant sur les frais de production sert à nourrir la partie de la population qui ne s’adonne pas à l’agriculture. Si le produit net n’existait pas, tout le monde devrait travailler la terre ; il ne resterait personne pour les travaux de l’industrie, du commerce et des professions libérales.

En traitant de la statique chimique, M. Barral soulève un autre ordre de questions qui a aussi son importance. Il n’a pas de peine à montrer qu’avec de pareils produits l’exportation des principes élémentaires doit être énorme à Masny : de si grandes quantités de blé, de viande, de sucre, de lin, ne sortent pas tous les ans de 230 hectares sans laisser un grand vide ; M. Barral évalue la perte annuelle à 93 kilos d’azote, 26 d’acide phosphorique et 42 de potasse par hectare. J’accepte ces chiffres sur parole, ils ne sont pas de ma compétence. M. Barral calcule ensuite la restitution qui s’opère par les engrais, et il trouve qu’en pulpes de sucrerie, tourteaux de lin et de colza, écumes de défécation, engrais commerciaux, etc., M. Fiévet importe tous les ans une quantité plus qu’équivalente d’azote, cinq fois plus d’acide phosphorique, et un peu moins de potasse, d’où il suit que la richesse du sol va en s’accroi-