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ssant, excepté en potasse. Pour réparer l’épuisement de ce dernier élément, M. Barral conseille à M. Fiévet d’annexer à sa sucrerie une distillerie de mélasse, ou d’avoir recours à une importation de nitrate de potasse qu’il répandrait sur ses fumiers.

Jusque-là tout est pour le mieux, mais M. Barral ajoute en forme de conclusion : « La statique chimique ne s’obtient sur un domaine en progrès qu’à la condition d’un apport du dehors supérieur aux exportations des denrées agricoles. Dès qu’un domaine exporte, il faut qu’il importe, soit directement par les soins du cultivateur, soit indirectement par des conditions naturelles particulières. Ceux qui ont cherché l’équilibre ou le progrès dans la simple rotation des cultures, dans une certaine relation des cultures fourragères non irriguées et des terres à grains, n’ont fait que remuer et amonceler des erreurs. » Cette théorie absolue me paraît en contradiction avec les faits. Il en résulterait que tout domaine qui exporterait des denrées, dans quelque mesure que ce soit, sans importer des engrais, irait en s’appauvrissant. Or toutes les terres exportent plus ou moins du blé, de la viande, de la laine, et très peu de cultivateurs achètent des engrais. Bien des parties de notre sol sont cultivées depuis des siècles avec une exportation constante de produits sans aucune importation d’engrais, et, loin de donner des signes d’épuisement, elles montrent une fertilité croissante ; elles devraient être stérilisées depuis longtemps, si la thèse de M. Barral était vraie.

Ceci ne veut pas dire qu’il ne soit pas bon d’acheter des engrais, un surcroît de fertilité ne fait jamais de mal, et il y a un certain degré de production qui rend cette importation nécessaire ; mais il faut reconnaître qu’il existe d’autres moyens de réparer dans une certaine mesure les pertes causées par la consommation. Ces moyens sont au nombre de deux, l’un primitif, l’autre perfectionné : la jachère et l’assolement alterne. Pendant longtemps, la jachère a suffi ; tant que la population n’a pas été nombreuse, il a suffi de laisser reposer le sol une année sur deux ou sur trois pour assurer la perpétuité des récoltes. Même aujourd’hui la jachère joue encore un rôle important ; la France n’a pas.moins de 5 millions d’hectares en jachère, et cette proportion suffit pour réparer les pertes de la moitié de notre territoire. L’assolement alterne permet à l’autre moitié, dont la culture est plus intensive, non-seulement de soutenir, mais d’accroître sa fertilité. Nier la théorie de l’assolement alterne, c’est rayer d’un trait de plume les démonstrations de l’expérience. L’importation des engrais donne un élément de plus, puissant et rapide ; mais, à part quelques exceptions brillantes, comme Masny, la rotation des cultures reste la règle : c’est à elle que nous avons dû, que nous devons et que nous devrons la plupart de nos progrès ; elle suffit, appliquée avec ensemble, pour doubler nos produits actuels.

La thèse chimique de M. Barral est incontestable en elle-même, il faut