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l’intérêt français. Certains journaux dans les circonstances auxquelles nous faisons allusion ont eu des travers d’esprit qu’on ne saurait trop déplorer : ils avaient l’air de prendre plaisir à contrarier, à irriter leurs compatriotes dissidens. On croyait mettre par exemple M. Thiers en mauvaise humeur en défendant à outrance la fortune de l’Italie ou en aidant avec aveuglement les projets de M. de Bismarck. C’est pour cela que plusieurs de ces journaux ont choqué le sentiment national et ont paru être des journaux de l’Italie et de la Prusse et non des journaux de la France. Complices en apparence des funestes combinaisons de 1866, ils ont applaudi quand notre gouvernement a prêté à la Prusse l’alliance de l’Italie, ils ont été les impardonnables dupes de la mystification colossale qui a suivi Kœniggraëtz et la journée du 5 juillet 1866. Ceux qui aiment passionnément la France, la France avant tout, n’avaient pas senti et raisonné ainsi. Et pourquoi hésiterions-nous à invoquer sur ce point la justice que nous méritons de nos lecteurs. Ils savent que nous ne sommes point les partisans du pouvoir temporel, ils savent que notre foi est que la séparation de l’autorité spirituelle et de la souveraineté politique, la constitution de l’église libre dans l’état libre, est le moyen unique de faire sortir les races catholiques de leur décadence et de les relever au niveau des grandes races qui ont la prééminence de la vie dans l’humanité contemporaine ; mais quand dans une mauvaise heure la politique française trompa l’Italie en laissant accomplir le guet-apens de Castelfidardo, nous ne songeâmes plus à l’amitié dont M. de Cavour nous honorait ; nous courûmes au devoir simple et direct, nous répondîmes au tressaillement de l’honneur français qui commandait de couvrir intégralement un état dont notre armée occupait la capitale et de sauver de la honte de la déroute l’épée d’un de nos plus glorieux capitaines. L’émotion sympathique des honnêtes gens, le frémissement de l’armée, furent alors notre récompense. Nous n’avons aucune antipathie contre l’Allemagne ; nous caressons le rêve de la voir dépouiller un jour les superstitions monarchiques et former les États-Unis de l’Europe ; mais le cœur nous a saigné quand nous avons eu le spectacle du brave Danemark abandonné par la France, malgré un traité qui portait sa signature, à la monstrueuse coalition de l’Autriche, de la Prusse et des états secondaires. Il y avait alors à Paris des badauds qui soutenaient les droits du duc d’Augustenbourg. Nous fûmes du nombre et des premiers de ceux qui annoncèrent les conséquences de ce crime de la force, qui devait amener des expiations si prochaines. Les états secondaires ont été punis ; l’Autriche a été punie, elle a été exclue de l’Allemagne ; l’Allemagne du nord a été annexée à la Prusse par la conquête. La politique française, secondée et excitée par la presse pseudo-libérale, a commis la méprise suprême de donner à la Prusse l’alliance de l’Italie. A tous les momens de cette crise qui dure depuis quatre ans, nous avons exprimé les sollicitudes les plus vives du patriotisme français. Quant à la portion de la