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garantie dans un isolement égoïste ; elle doit la chercher dans ses sympathies avec les autres pays, non-seulement au moment de leur prospérité, mais aussi dans leurs troubles et leurs inquiétudes. Cette ligne étant suivie avec constance, M. Disraeli est convaincu que, s’il vient à se présenter une occasion où l’influence de l’Angleterre soit nécessaire pour conserver la paix du monde (et il se présente périodiquement des occasions semblables), alors cette influence ne s’exercera point en vain, parce qu’elle sera basée sur l’estime et le respect. Le chef du cabinet anglais annonçait aussi les dispositions les plus conciliantes pour l’Irlande, et gémissait de la nécessité qui forçait de renouveler la suspension de l’habeas corpus. Le projet ministériel a été présenté par le secrétaire d’état d’Irlande, lord Mayo. Les questions sur lesquelles le gouvernement appelle l’attention de la chambre sont celle des fermages, celle de l’éducation et celle de l’église établie. Sur le premier point, le gouvernement propose de faire étudier la question par une commission royale d’enquête ; sur le second, il propose la création d’une université catholique sur le pied d’une égalité complète avec l’université protestante de Dublin ; sur le troisième point, il n’est pas opposé en principe à l’idée de l’égalité des deux églises catholique et protestante. La controverse s’est chaudement engagée après le discours de lord Mayo. — M. Stuart. Mill, avec son intrépidité d’esprit habituelle, et qui vient de traiter la question irlandaise dans un écrit spécial, a développé un système radical, mais en ce moment trop avancé pour le sentiment général de la chambre. M. Mill a été combattu énergiquement par M. Lowe et par le ministre de l’intérieur, M. Gawthorne Hardy. Toutefois on ne pourra juger de la portée du débat que lorsque M. Gladstone et M. Disraeli auront pris la parole.

La crise des États-Unis approche du terme. L’influence malfaisante de l’excentrique président Johnson ne tardera point à être définitivement comprimée. Nous avons toujours en France, et surtout dans la presse officieuse et dans les organes du gouvernement, des esprits mal faits qui ne comprennent rien aux civilisations étrangères, et qui, dans leur ignorance, non-seulement défendaient le président Johnson, mais prédisaient sa victoire sur le congrès. Les dernières nouvelles des États-Unis les confondent. Depuis la fin de février, le congrès est maître de la situation, et le résultat de la lutte est si généralement prévu, que l’agitation des esprits est calmée et qu’on attend tranquillement les procédures de l’accusation du président, qui ont dû commencer hier. Ce fut une scène intéressante quand Thaddasus Stevens, l’honnête et infatigable vieillard, donnant le bras à M. Bingham, entra comme commissaire dans le sénat, annoncé par le sergent d’armes et salué par le président » Il tira de sa poche le message de la chambre des représentans qu’à cause de sa gravité il avait cru devoir prendre par écrit sur une feuille de papier du format footscap. Malgré son grand âge, il le lut d’une voix plus forte