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de tous les curés. Il n’était pas aussi tranquille à l’endroit des prêtres réguliers, et non pas seulement des jésuites, qu’il ne pouvait souffrir, mais des missionnaires, qui, n’appartenant à aucun diocèse en particulier, pouvaient plus aisément échapper à la surveillance de son ministre de la police et devenir les dangereux colporteurs de la bulle d’excommunication. Il se hâta donc de pourvoir à ce péril. « Je ne veux point de missions en France, écrit-il le 12 septembre 1809 à M. Bigot de Préameneu. Vous voudrez bien écrire une circulaire aux archevêques et évêques pour leur dire que je ne connais qu’eux, les curés et les succursaux, et que je n’entends pas que des missionnaires faisant profession de prédicateurs errans parcourent l’empire. Je donne des ordres dans ce sens au ministre de la police… Je ne veux plus de missions quelconques. J’avais permis un établissement de missionnaires à Paris, et je leur avais accordé une maison ; je rapporte tout. Je me contente d’exercer la religion chez moi ; je ne me soucie point de la propager à l’étranger. Ces missionnaires d’ailleurs sont pour qui les paie, pour les Anglais, s’ils veulent s’en servir. Présentez-moi un projet de décret là-dessus ; je veux en finir. Je vous rends responsable si au 1er octobre il y a encore en France des missions et. les congrégations[1]. » Trois jours après, ses soupçons se portaient sur les conférences que faisait à Saint-Sulpice M. de Frayssinous, l’un des protégés de son oncle, le cardinal Fesch, maintenant trop porté à ses yeux pour le saint-père. N’était-il pas à craindre qu’on ne s’y occupât, sous prétexte d’exercices religieux, de la bulle d’excommunication ? C’était un risque qu’il ne voulait point courir pendant son absence. «… Il paraîtrait, écrit l’empereur de Schœnbrunn à son ministre de la police, que dans les conférences qui se tiennent à Saint-Sulpice les prêtres se conduisent mal et excitent le cagotisme. Il est convenable que vous insinuiez sans bruit aux vicaires de Paris, si les conférences ont lieu, de les ajourner jusqu’à l’avent, et dans cet intervalle de leur faire bien comprendre que je ne peux plus tolérer ces conférences. Si elles ne se tiennent plus, conseillez-leur sur-le-champ de ne pas les laisser renouveler, car je n’entends pas qu’elles aient lieu davantage[2]. » La semaine suivante, il demandait à Fouché de lui envoyer promptement un rapport sur un complot « que des cagots tramaient à Bordeaux[3] ; » mais il ne suffisait pas de surveiller des prêtres obscurs, il était bon d’avoir aussi sous sa puissance immédiate les personnages considérables qui avaient eu le tort de mettre

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu. — Correspondance de Napoléon Ier, XIX, p. 459.
  2. Lettre de l’empereur au comte Fouché. Schœnbrunn, 15 septembre 1809. — Correspondance de Napoléon Ier,t. XIX, p. 477.
  3. Lettre de l’empereur au comte Fouché. Schœnbrunn, 23 septembre.