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ne me paraît pas remplir mon but[1]. » Dans cette même lettre à M. de Champagny, après avoir énuméré toutes les thèses que l’auteur devrait traiter, l’empereur exprime le désir de voir terminer ce travail par une sorte de consultation établissant « qu’il y avait deux partis à prendre à l’égard du saint-siège : le premier, d’établir un patriarche et de se séparer de la cour de Rome, comme avait fait l’Angleterre (discuter les avantages et les inconvéniens de ce parti) ; le deuxième, de détruire le pouvoir temporel en réunissant les états romains à l’empire français (établir l’obligation, dans les circonstances actuelles, de cette mesure, légitimée par la conduite de Rome). » En attendant qu’il rencontrât le livre qui devait enfin le satisfaire complètement, Napoléon était si possédé de son idée de dénoncer le saint-siège à l’indignation de ses sujets soit de France, soit d’Italie, qu’il n’avait pas hésité à s’adresser en même temps à ses ministres des cultes dans les deux pays. « Je vous prie de me faire un mémoire historique, mandait-il à M. Aldini, tendant à prouver la question suivante : les papes ont toujours été les ennemis de la puissance qui prédominait en Italie ; quand les Allemands triomphaient, ils appelaient les Français ; quand la victoire avait rendu les Français les maîtres, ils se liguaient avec les Allemands et les chassaient[2]. » — « Dans votre rapport, écrit-il peu de temps après à M. Bigot de Préameneu, parlez du pape et de ses criailleries contre les articles organiques[3]. »

il est inutile, croyons-nous, de poursuivre ces citations, et nous avons assez montré à quel point, quoiqu’il n’en ait jamais voulu convenir, l’empereur avait ressenti l’excommunication lancée contre lui par Pie VII. Nous n’en avons pas toutefois fini encore avec elle. Le souvenir irritant n’en sera que trop souvent ramené dans notre récit ; nous la verrons à plusieurs reprises et de la façon la plus fâcheuse s’introduire à nouveau dans les discussions du concile national, et toujours citée par des partisans dévoués de l’empire, qui la jetaient comme un reproche sanglant à la tête de leurs adversaires. Quant au pape, depuis qu’il avait mis les pieds en France, jamais il ne lui arriva d’en ouvrir la bouche. Il n’en parla pas une seule fois aux évêques qui lui furent députés à Savone. La regardait-il comme non avenue ou comme n’ayant jamais été destinée à atteindre personnellement Napoléon ? jugeait-il seulement qu’il était plus prudent de n’en faire aucune mention ? Cela serait

  1. Lettre de l’empereur à M. de Champagny, duc de Cadore, ministre des relations extérieures, 15 décembre 1809. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 65.
  2. Lettre au comte Aldini, ministre secrétaire d’état du royaume d’Italie, en résidence à Paris, 28 octobre 1869. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 10.
  3. Lettre de l’empereur au comte Bigot de Préameneu, 24 janvier 1810, — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXIV, p, 139.