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Minto outre-passait quelque peu cette fois la limite de ses attributions, car il n’ignorait pas que le gouvernement de la métropole avait donné la même mission à un autre personnage. Malcolm partit néanmoins avec une suite nombreuse d’attachés militaires et politiques. La France entretenait alors son ambassadeur à Téhéran sur un pied magnifique, et il fallait que le représentant de l’Angleterre fût aussi en mesure de se montrer avec un cortège imposant. Dès qu’il eut atteint le port de Bushir, Malcolm expédia l’un de ses officiers en avant pour obtenir l’autorisation de pénétrer dans l’intérieur du pays. Par malheur pour les intérêts qu’il venait défendre, les Français occupaient toutes les avenues de la cour persane ; ils façonnaient l’armée du shah à la discipline européenne, et, soutenus par l’influence russe, ils jouissaient d’une suprématie absolue. Aussi les hommes d’état de Téhéran, par peur d’un conflit entre deux puissances dont ils connaissaient les profonds dissentimens, refusèrent d’admettre ce dernier venu, et lui répondirent, pour éviter un refus trop net, de s’entendre avec le gouverneur de la province de Fars. Furieux de sa déconvenue, Malcolm reprit la mer ; il revint à Calcutta rendre compte de l’échec qu’il avait éprouvé et chercher de nouvelles instructions.

Lord Minto se dit qu’il était nécessaire de renvoyer l’ambassadeur de la compagnie dans le Golfe-Persique avec des forces suffisantes pour rappeler la cour persane aux égards que l’Angleterre se croyait dus. C’était à Bombay que cette petite expédition devait être organisée. Malcolm y revenait donc bientôt pour se livrer à ses préparatifs. Tous ces voyages ne pouvaient s’accomplir que par navires à voiles ; les moussons contraires allongeaient outre mesure les traversées : de là bien des retards et des contre-temps. Il ne fallait pas moins d’un mois pour aller de Calcutta à Bombay. Sur ces entrefaites, sir Harford Jones était entré à son tour dans le Golfe-Persique. L’expédition fut un moment ajournée, car la compagnie ne pouvait faire la guerre à un monarque auprès duquel le roi d’Angleterre avait un ambassadeur ; mais celui-ci n’eut pas à se louer non plus de l’accueil qu’il reçut dans les domaines du shah. Une intervention rigoureuse n’en était que plus nécessaire. Malcolm se mit enfin en route avec les troupes d’élite qu’il avait préparées pour cette entreprise. Dans les premiers mois de 1810, il s’établissait auprès de Bushir avec des forces respectables. Il obtint bientôt après la permission de se rendre à Téhéran, et y parut avec tout le faste que son orgueil britannique pouvait ambitionner. Les gros présens étaient en ce temps, paraît-il, le principal ressort de la politique auprès des cours orientales. L’ambassadeur anglais ne s’abstint pas de ce mode d’influence ; mais au moins, s’il combla les