Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

représente la chaleur utile, et nous arrivons ainsi à exprimer le rendement théorique de la machine à l’aide seulement de ses températures extrêmes[1].

Sans doute les considérations que nous venons d’exposer ne constituent pas une démonstration rigoureuse. Les théoriciens y signaleront trop facilement des lacunes que nous ne pourrions combler sans entrer dans des détails arides; nous n’avons pu donner qu’un aperçu général des phénomènes. Cette vue nous suffira cependant pour les conséquences que nous avons à en tirer. En premier lieu, ne sommes-nous pas frappés de ce fait, que le rendement de la machine dépend uniquement des températures absolues de la source froide et de la source chaude? Regarderons-nous ce résultat remarquable comme une particularité propre aux machines à air chaud? Et ne serons-nous pas tout de suite conduits à soupçonner que nous nous trouvons en face d’une loi générale de la nature? Il en est ainsi en effet. Les physiciens n’ont pas de peine à démontrer que les résultats qui viennent d’être énoncés s’appliquent à toutes les machines dont le jeu est basé sur l’emploi de la chaleur. Ils établissent facilement qu’entre les mêmes températures toutes les machines thermiques ont le même rendement théorique. Admettre le contraire serait faire une hypothèse qui se trouverait en opposition avec les notions élémentaires de la physique et de la mécanique[2].

Ainsi, pour en finir d’abord avec cette question, voilà le litige terminé entre la machine à vapeur et la machine à air chaud. Nous sommes en possession d’un principe qui nous permet de les juger. Si une machine est supérieure à une autre, ce n’est point parce que la vapeur ou l’air ou tel autre corps qu’on emploiera jouira de propriétés qui lui permettent de convertir plus ou moins de chaleur

  1. Ce résultat apparaîtra plus nettement, si nous avons recours à une notation algébrique. Soit T, la température absolue de la source chaude, T0 celle de la source, froide, le rendement théorique de la machine sera exprimé par la fraction T1 – T0/T2.
  2. Supposons un instant que le rendement théorique des machines fonctionnant entre les mêmes températures ne soit pas constant, et que nous puissions par conséquent disposer de deux machines à rendement inégal. Nous pourrions alors employer celle qui a le rendement le moins avantageux à faire travailler la seconde dans le sens opposé à sa fonction normale, c’est-à-dire de telle sorte qu’elle convertît en chaleur le travail dépensé. Dans un pareil système, le travail et la chaleur de transformation se trouveraient mutuellement compensés dans les deux organes; mais le second organe ferait remonter plus de chaleur que le premier n’en ferait descendre. Somme toute, on arriverait ainsi à faire passer de la chaleur d’un corps froid à un corps chaud sans dépense d’aucune sorte, à réchauffer directement un corps à l’aide d’un corps plus froid. Un pareil résultat est inadmissible, et condamne l’hypothèse de l’inégalité de rendement.