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JOINVILLE
SAINT LOUIS ET LE XIIIe SIECLE

I. Œuvres de Jean, sire de Joinville, avec un texte rapproché du français moderne mis en regard du texte original, par M. Natalis de Wailly; 1 vol., Paris 1867. — II. Histoire de saint Louis, par M. Félix Faure; 2 vol. Paris 1866.

Parmi les monumens que nous a laissés le XIIIe siècle, et qui, comme on sait, se distinguent entre tous ceux du moyen âge par certains caractères de noble simplicité et de naïve grandeur, il en est deux qui ne seront pas les moins durables, qui ne le cèdent à aucun autre en originalité, et qui, quoique célèbres et cités souvent sur parole, ne sont, à vrai dire, connus que de bien peu de gens. Ce ne sont point des œuvres d’architecte, ni cathédrales ni donjons, encore moins d’élégantes merveilles de ciseleur ou d’ymagier, des chefs-d’œuvre d’ivoire, d’or, d’émail ou d’argent; ce sont des œuvres littéraires, mais de la plus rare espèce, écrites ou plutôt dictées par des hommes de guerre, plus ambitieux de bien remplir leur charge et de manier la lance que d’acquérir le gai savoir et les talens de l’écrivain. L’une est l’histoire sommaire et taillée à grands traits, le récit presque épique de l’un des plus étranges épisodes de nos saintes guerres d’Orient, la conquête de Constantinople, par Joffroy de Villehardouin; l’autre, la seule dont nous voulions nous occuper ici, une image parlante, le portrait d’un homme et d’une époque pris sur le vif, la première page, en notre langue, d’histoire intime et personnelle, le premier essai de mémoires politiques, une création sans modèle, une vraie nouveauté s’il en fut, l’histoire de saint Louis, l’œuvre de Jean, sire de Joinville.