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en dise, par politique, non par scrupules chrétiens, qu’il avait conclu ce traité. Il savait qu’avec ses voisins le grand art est de ne pas tout prendre, de restituer parfois, de donner peu, pour recevoir beaucoup. Et non-seulement il s’assurait ainsi la possession incontestée, la pleine propriété de la Normandie, de l’Anjou, du Maine, de la Touraine et du Poitou, l’hommage direct du Berri, de la Bretagne, de l’Auvergne, de la Marche et de l’Angoumois, mais il acquérait en outre pour lui et pour son peuple, en Europe et dans le monde, un renom de loyauté, une autorité décisive et suprême dont jamais la simple adjonction d’un territoire, si grand qu’il fût, ne l’aurait investi.

Ce qu’était au XIIIe siècle le nom de la France chez les nations étrangères, dans toute la chrétienté, ce que ce nom inspirait de confiance et de souverain respect, bien peu de gens s’en doutent aujourd’hui. On oublie que cette suprématie, dont il y a deux cents ans nos pères se glorifiaient et qu’ils croyaient nouvelle, n’était qu’une réminiscence. Richelieu, Louis XIV, n’avaient fait que reconquérir ce qui nous avait appartenu, ce que durant quatre siècles, de faute en faute, de hasard en hasard, nous avions peu à peu compromis et perdu. Cet ascendant dominateur, cet empire de la mode non moins que de la puissance, déjà nous l’avions exercé. Nous avions vu l’Europe s’inspirer de nos mœurs, copier nos manières, cultiver notre langue, imiter nos poètes, se façonner sur nos artistes. Ainsi les deux époques, à n’en considérer que les dehors, se valent pour le moins, toutes proportions gardées, et, quand vous allez au fond, quand vous sondez le cœur, l’âme de ces deux époques, quand d’un côté vous voyez une politique plus humaine, plus franche, plus vraiment habile, un peuple moins pressuré, l’Evangile moins méconnu, les grands principes plus respectés, les grands devoirs mieux accomplis, comment ne pas franchement reconnaître que la vraie grandeur est de ce côté?

Reste de l’autre, il est vrai, un avantage inestimable, la gloire des lettres; nous nous gardons d’en rabaisser le prix. Seulement n’oubliez pas que, si nos grands écrivains du XVIIe siècle sont d’incomparables modèles, il s’en faut que les arts à cette même époque vous puissent inspirer même culte et même admiration. Les arts, à peu d’exceptions près, sont alors aussi froids et aussi solennels qu’au temps de saint Louis ils furent touchans et animés. Nous ne prétendons pas que le sentiment du beau, le goût des arts plastiques, soient en ce monde la principale affaire, et que la valeur d’un règne ou d’une époque se mesure à l’habileté des architectes et des sculpteurs; mais ce n’est pourtant pas un signe à dédaigner, quand on compare entre eux des hommes ou des siècles, que la ma-