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mios, inquiets de voir le taïcoun augmenter sans cesse ses forces militaires, se décidaient à l’abandonner entièrement pour aller s’établir presque à demeure à Kioto, autour du mikado, qu’ils excitaient contre l’ennemi commun. Ce fut un coup grave pour le taïcounat, laissé dans l’isolement, et réduit bientôt à aller lui-même abaisser son prestige devant celui du mikado.

C’est dans ces conditions qu’un nouveau taïcoun, celui justement qui vient de disparaître, Stotsbachi, prince de Mito, prenait un pouvoir qu’il avait contribué lui-même à affaiblir par son hostilité contre son prédécesseur. Les sentimens peu favorables que Stotsbachi avait manifestés à l’égard des étrangers, lorsqu’il n’était que prétendant, se changeaient immédiatement en sympathie lorsqu’il fut taïcoun. Il prodiguait aux ministres européens des témoignages d’amitié d’autant plus vifs qu’il se sentait plus faible. Malheureusement pour lui, ces manifestations, coïncidant avec l’achat d’armes et de bâtimens à vapeur, avec la création d’un arsenal, avec un commencement d’organisation militaire à l’européenne, ne pouvaient que redoubler les défiances des daïmios et exciter en eux un sentiment plus passionné d’hostilité. Par son âge d’ailleurs, par son expérience, par son caractère énergique, le nouveau taïcoun apparaissait comme un adversaire bien plus dangereux que son prédécesseur. Au fond, les daïmios ne s’entendaient guère peut-être sur ce qu’ils feraient de la victoire ; mais ils pouvaient du moins s’entendre d’abord sur la nécessité d’abattre l’ennemi commun. Le taïcoun se trouvait dans une situation difiicile. Tenu en échec dans les conseils du mikado, sentant chaque jour son pouvoir et son prestige lui échapper, il était réellement poussé à bout, lorsque tout d’un coup il se décidait à abdiquer et à s’en remettre à l’assemblée générale des daïmios du soin de reconstituer un gouvernement.

Espérait-il ainsi désarmer momentanément ses ennemis et provoquer quelque révolution en sa faveur ? Toujours est-il que cette abdication même n’était que le prélude d’événemens plus graves. Le taïcoun prenait bientôt le parti d’en appeler aux armes contre ses ennemis, et il n’a pas été heureux. Battu entre Osaka et Kioto, il ne cherchait même plus à se défendre, et il s’embarquait de nuit pour Yeddo. En un instant, tout disparaissait de son administration et de son armée. Les ordres de déchéance lancés contre lui rencontraient partout une obéissance passive. Ses villes étaient occupées par les confédérés, qui en prenaient possession au nom du mikado. Celui-ci en même temps faisait assurer aux ministres européens qu’il désirait continuer les relations commerciales nouées par le taïcoun, et les prévenait qu’il était désormais le seul représentant politique du Japon. Les ministres étrangers de leur côté se sont mis immédiatement en rapport avec les agens du mikado. La révolution semble donc terminée. Il reste maintenant à savoir si le taïcoun,