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L’ALIMENTATION DE PARIS

I.
LE PAIN, LA VIANDE ET LE VIN.

L’histoire de l’alimentation de la France sous l’ancienne monarchie serait l’histoire d’une série de disettes touchant parfois à la famine. On peut dire avec certitude que notre pays a souffert de la faim jusqu’aux premiers jours du XIXe siècle. Faute de savoir que la marchandise est attirée et trouve son débouché là même où elle est nécessaire, les gouvernemens, pour subvenir aux besoins de la nation et satisfaire aux exigences essentielles de la nature humaine, avaient recours à des mesures empreintes d’empirisme qui, ne s’appuyant sur aucun principe économique, augmentaient le mal, au lieu d’y porter remède. Lorsqu’on 1709 les soldats, à jeun depuis deux jours, disaient au maréchal de Villars : « Notre père, donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien, » ils répétaient l’humble prière que la France adressait incessamment à ses rois. Assurément ceux-ci ne restaient point sourds à ces plaintes; toutefois la constitution de l’état était si enchevêtrée d’inextricables privilèges, qu’ils pouvaient, comme Louis XIV, être réduits à manger du pain de disette, mais qu’ils étaient impuissans à nourrir leurs sujets affamés. Le blé, immobilisé par des édits, des arrêts, des déclarations, des ordonnances contradictoires, ne pouvait arriver jusqu’aux lieux de consommation, pourrissait sur place, et le paysan, ce grand pro-