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gendes et de ballades. Entre des compositions d’importance très inégale, nous préférons certains drames ou esquisses historiques d’une médiocre étendue, mais construites avec art, allant droit au but et ne livrant pas toutes leurs voiles au vent de la fantaisie. Nous citerons entre autres la Pomme de vie, Irène, la Belle Yolande, le Trésor du rabbin Ben-Ephraïm, Catterina Cornaro, la lettre de Thomas Müntzer à Martin Luther et le Pauvre homme ou le Faiseur d’allumettes et l’Oiseau. Il serait injuste de n’y pas ajouter, malgré des imitations trop manifestes, Gygès et Candaule. Parmi les longs dialogues et morceaux historiques d’une grande étendue, on peut mettre à part le Laboratoire du Grand-Duc, étude ingénieuse et savante sur Florence et les Médicis au moment où commence leur déclin ; mais cette pièce même se ressent du défaut de faire dire souvent aux personnages ce que le poète veut qu’on lise et qu’on apprenne, et pas assez ce que la situation logiquement amenée leur inspire ou même leur attache. Il semble, lorsque le poète s’étend et se développe, que le philosophe et l’érudit reprennent tout leur empire : les pensées personnelles, les souvenirs, arrivent en foule, et l’invention languit. Aussi prendrons-nous pour échantillons deux morceaux de quelques pages seulement, le Trésor du rabbin Ben-Ephraïm et la Pomme de vie.

Dans le cadre ingénieux d’un fabliau sur le roi Salomon qu’il emprunte à quelque poète oriental, M. Robert Lytton a exprimé la philosophie de la vie humaine. Salomon, la Sulamite, un jeune prince Azariah et une courtisane égyptienne présentent cette philosophie à des points de vue divers, au point de vue du vieillard, du jeune homme, de la reine favorite, de l’esclave méprisée. Avec des argumens différens, la conclusion est toujours la même : tout est vanité. Texte ancien et texte nouveau, leçon éternelle que répètent les rois et les poètes, Salomon sur son trône et Childe-Harold sur le pont de son navire! Vieillard, jeune homme, reine, esclave, sans en avoir conscience, portent de la vie le même jugement, quoiqu’ils en soient inégalement rassasiés. Ni les uns ni les autres ne voudraient vivre éternellement.

Que dit le vieillard? La vie est un bien, mais avec la jeunesse; elle serait un bien, si l’homme pouvait toujours donner à ses membres la force, à son cerveau et à son cœur la vivacité légère et la joie exubérante. Les yeux communiquent alors l’étincelle qui les allume, la lèvre respire l’ardeur et la fait naître. Oh! la main toujours vigoureuse pour saisir ce qu’elle désire! Oh! le pied toujours agile pour bondir en avant! Le vent du printemps de la vie ne soulève pas un cheveu blanc sur le front encore sans rides, il ne secoue pas une feuille de rose de la couronne qui ceint la chevelure. Le ciel et