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1833, si par un motif ou un autre ce fermage d’une espèce particulière devenait vacant, l’évêque rentrait dans tous ses droits, et pouvait faire présent à qui il voulait de ce bail sûr et lucratif. On prétend que les fils d’évêques se firent trop souvent fermiers dans ces conditions-là.

En 1833, lord Derby, alors secrétaire du gouvernement de l’Irlande sous le nom de lord Stanley, fit passer une loi qui mit un terme à quelques-unes des anomalies les plus choquantes de l’église d’Irlande. Elle supprima dix évêchés avec leurs chapitres[1], et confia à des commissaires l’administration de leurs biens; mais, en cherchant à réparer des abus de détail, elle respecta celui qui les résumait tous, le seul qui méritât d’être attaqué, la concentration de toutes ces richesses dans les mains d’une seule église. Les revenus des évêchés supprimés furent réservés exclusivement au bénéfice de celle-ci; ils servirent à entretenir, réparer et reconstruire les édifices du culte officiel, et permirent ainsi d’abolir la lourde taxe des church rates, destinée à cet objet, et qui pesait sur tous les habitans d’une paroisse, quelle que fût leur religion. Cette abolition fut un grand bienfait, mais l’emploi de ces fonds ne fut pas toujours aussi judicieux. Ainsi ils servirent souvent, comme le prouvent des exemples vraiment extraordinaires cités à la chambre des communes, à créer des cures nouvelles et à construire des églises dans des districts entièrement dépourvus de protestans. Cette même loi régla définitivement les droits des fermiers de tous les biens épiscopaux. Elle les reconnut comme propriétaires aussi longtemps qu’ils paieraient la rente annuelle, et leur permit de se libérer de cette obligation en la rachetant. La plupart d’entre eux ont depuis lors profité de cette faculté et acquis un droit absolu sur les terres dont ils n’étaient autrefois que locataires. Cependant les rentes non rachetées, appelées outstanding perpetuities, représentent encore un capital d’environ 15 millions.

Soigneusement respectée par la réforme autocratique de Henri VIII, la dîme, cette institution du moyen âge, subsiste encore en Angleterre et en Irlande. Elle a même conservé ce qui autrefois la rendait si impopulaire : le ministre, dont elle forme le principal revenu, la perçoit directement dans toute l’étendue de sa paroisse. Au commencement de ce siècle, il pouvait même la réclamer en nature. En 1824, elle fut assimilée aux taxes municipales; mais ce palliatif ne trompa personne en Irlande. Les fermiers, presque tous catholiques, ne supportaient qu’avec une vive irritation un impôt qu’ils

  1. Avant cette loi, le nombre des évêchés était donc de 22, ce qui, d’après le calcul que nous faisions plus haut, correspondrait au chiffre de 1,100 évêques pour la France.