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l’expérience du système de droit commun qu’il a acquise depuis sous le régime vivifiant de la liberté, et, sortant des catacombes, comment aurait-il refusé de s’asseoir à la table de César?

Hâtons-nous de le dire, nous sommes déjà bien loin de ce temps-là, et c’est maintenant le clergé catholique qui, sans attendre qu’on le lui offre, déclare hautement qu’il n’acceptera pas de salaire officiel. Cette résolution ne date pas d’aujourd’hui, mais elle a pris dans les circonstances actuelles une formule plus absolue et une nouvelle importance; elle a été solennellement exprimée l’année dernière par le synode des évêques catholiques d’Irlande, et à leur voix vient de se joindre celle du Dr Manning, archevêque de Westminster, qui, dans des pages pleines d’une ferme et brillante éloquence, s’est élevé contre cette idée bizarre d’un clergé fonctionnaire malgré lui et condamné à perpétuité au salaire forcé. Nous ne pouvons mieux faire que de chercher dans la brochure de ce prélat les motifs d’une résolution aussi remarquable et d’un exemple aussi instructif. Il en indique trois principaux. Premièrement, en réclamant contre les privilèges de l’église établie, en demandant qu’elle cesse de jouir des énormes revenus dont la possession est une flagrante injustice, il refuse d’avance toute part dans ses dépouilles. Plaidant au nom du droit, il tient à ne pas paraître intéressé. Secondement, il veut éviter le surcroît d’irritation qu’exciterait entre protestans et catholiques le transfert pur et simple de ces dépouilles d’un culte à un autre. Inspiré par une pensée de politique et de conciliation, il veut que la question des biens d’église soit une fois pour toutes effacée du nombre de celles qui enveniment les passions hostiles en Irlande. Enfin, s’élevant à des considérations plus hautes encore, il déclare vouloir s’en tenir à la position indépendante que le zèle de la population irlandaise a créée à son clergé, et qui le dédommage amplement des richesses dont il a été autrefois spolié. « Ceux qui servent l’autel vivent de l’autel, dit le Dr Manning. Les pasteurs et leur troupeau exercent vis-à-vis les uns des autres la charité la plus élevée. » Et quelques pages auparavant : « Les Irlandais aiment leur église et leur clergé parce qu’ils savent qu’aucun pouvoir humain, qu’aucun intérêt mondain ne sépare d’eux cette église et ce clergé. Cette indépendance est pour eux le gage que l’un et l’autre leur appartiennent exclusivement. Jamais les catholiques anglais Ou irlandais ne donneront leur argent ou leur cœur à une église payée par l’état. »

Nous pourrions multiplier les citations, mais celles-ci suffisent pour montrer quel esprit éclairé le clergé catholique apporte dans la discussion de ces graves questions. Il a puissamment aidé autrefois ses concitoyens à conquérir la liberté; c’est à elle qu’il doit son