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peut-être du prix exagéré de location que des autres conditions qui en rendent la culture onéreuse et précaire. Un ancien usage impose au fermier toutes les grosses dépenses, constructions et réparations de bâtimens, qui ailleurs sont ordinairement à la charge du propriétaire. La pensée qu’ils se constituaient ainsi sur la terre une sorte de droit de propriété a d’abord décidé les cultivateurs à s’y soumettre, la nécessité d’accepter les conditions les plus défavorables plutôt que de perdre les avances qu’il avaient faites les a obligés de continuer ; mais ils n’en demeuraient pas moins à la merci du propriétaire, de son agent, ou de cette classe intermédiaire de locataires appelés middlemen, grâce à l’absence de tout contrat stipulant la durée du bail. Presque toutes les terres en Irlande sont données à des tenants at will, fermiers à volonté, qui, n’étant garantis par aucun contrat, les cultivent sous le bon plaisir du propriétaire, et peuvent à tout moment être sommés d’évacuer leur exploitation dans le délai de neuf mois. Il était impossible qu’une telle situation ne donnât pas lieu à de fréquentes et cruelles injustices. Une loi qui faciliterait les contrats écrits, qui, en entravant par certaines restrictions les baux sur parole et à courte échéance, et, en assurant au fermier sortant de fortes indemnités pour ses avances, ferait sentir au propriétaire qu’il est de son intérêt de n’avoir plus recours aux middlemen, de ne plus confier sa terre aux tenants at will, de prendre à sa charge tous les gros travaux d’établissement des fermes, pourrait corriger la plupart de ces abus, sans porter la moindre atteinte au respect de la propriété. M. Bright a proposé des mesures plus radicales. Aussi, mal- gré tout ce que son projet peut avoir de séduisant, malgré le but élevé qu’il poursuit en voulant transformer graduellement les fermiers en petits propriétaires, l’exécution en serait-elle peut-être difficile. Dans ce plan, que le nom de l’auteur recommande à une sérieuse considération, mais dont nous laissons l’appréciation à des autorités plus compétentes, des banques seraient fondées, qui avanceraient aux fermiers le capital nécessaire pour acheter le lot de terre qu’ils cultivent. En leur en demandant un intérêt modéré, en leur accordant la faculté de le rembourser par une série de faibles annuités, elles leur permettraient d’acquérir en un certain temps la propriété du sol. Les fonds provenant de la suppression de l’église établie viendraient fort à propos former le capital de ces banques, ou du moins, en y prenant une large part, permettraient d’abaisser au-dessous d’un taux rémunérateur l’intérêt exigible pour ces avances ; mais, si l’on se contentait de mettre ces ressources à la portée des cultivateurs, trouveraient-ils beaucoup de propriétaires disposés à accepter de gré à gré le contrat de vente qu’ils