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l’avoue, un danger véritable. M. Fould insinue que, depuis 1858 surtout (c’est la date de la première entrée de M. Magne au ministère), les faits ont pris un caractère inquiétant. On a abusé du crédit sous toutes les formes. Une crise est prévue par les hommes expérimentés. « Le véritable moyen de la conjurer est d’agir avec promptitude et décision et de fermer la source du mal en supprimant les crédits supplémentaires et extraordinaires. »

La publication officielle de ce mémoire et l’appel immédiat de M. Fould à la direction suprême de nos finances étaient de nature à faire espérer une réforme efficace ; mais les bonnes intentions étaient dominées par la force des choses. Le vice résidait moins dans le procédé financier que dans l’ensemble du système. A quoi peut servir le contrôle des chambres sans une certaine dose d’initiative politique ? Un corps législatif que l’on consulte sur des expéditions résolues et des dépenses engagées peut-il laisser le drapeau en échec et refuser le paiement des factures ? L’arrivée de M. Fould au ministère ne changea donc rien au train des choses, si ce n’est peut-être que son esprit fertile en ressources augmenta sans y songer la facilité des dépenses. Une invention inaugurée par lui, la séparation de notre bilan annuel en budget ordinaire et budget extraordinaire, nous paraît fort contestable : il y voyait un frein, elle n’a servi qu’à embrouiller notre comptabilité, déjà bien confuse. En revanche, un service qu’il nous a rendu et qui est méconnu par la routine est l’abolition du vieil amortissement, qui offrait tant de facilités pour l’augmentation de nos dettes.

M. Fould avait condamné les emprunts exécutés par ses devanciers de manière à faire croire qu’il n’y aurait pas recours lui-même. Quels seront ses moyens pour équilibrer le budget ? Il imagine une opération sur la dette publique qui, sans être un emprunt, fera affluer l’argent dans le trésor. Les créanciers de l’état porteurs de titres convertis en 1852 n’étaient garantis que pour dix ans contre une conversion nouvelle. Ce répit était expiré, et ils n’étaient pas sans craintes. M. Fould leur proposa de les mettre définitivement à l’abri des conversions, c’est-à-dire d’échanger contre du 3 pour 100, moyennant finance, leur 4 1/2, leur 4 pour 100 et même les obligations trentenaires émises de la veille. Les rentiers, à peu d’exceptions près, apportent leurs titres avec les appoints : 147,347,407 francs de rentes anciennes sont échangés contre une pareille somme en 3 pour 100, et une vraie pluie d’or, 157,820,296 francs net, tombe dans la caisse de l’état. Ce n’est pas tout. Le nouveau 3 pour 100 substitué aux anciens fonds ayant été créé payable par trimestres avec jouissance du 1er avril 1862, les premiers coupons ne venaient à échéance qu’à partir de juillet ; il