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de châtiment. Aux travaux forcés sur une terre lointaine fut substitué l’emprisonnement à l’intérieur du pays dans les cachots ou les pontons, et comme ce dernier genre de punition semblait plus sévère que l’autre, on réduisit la durée des condamnations prononcées par le juge. Aujourd’hui il n’y a plus que l’ouest de l’Australie, Bermuda et Gibraltar qui consentent encore à recevoir des forçats anglais. Nos voisins se trouvent donc obligés de garder désormais les criminels chez eux et de vivre en quelque sorte tête à tête avec le mal. Ces mêmes hommes qu’on envoyait inquiéter les habitans de l’autre côté du globe, il faut maintenant les avoir à ses portes quand pour eux expire le temps de la captivité. Les malfaiteurs dangereux dont la Grande-Bretagne aurait le plus d’intérêt à se débarrasser sont précisément ceux, on le conçoit, que redoutent les colons et dont ils ne veulent à aucun prix. Cette disposition n’est pas la seule qu’introduisit la loi de 1853. Tant que l’Angleterre avait joui d’un moyen facile pour se décharger sur les autres du rebut de la population indigène, elle ne se préoccupait pas beaucoup de réformer le moral de ses condamnés. Quand au contraire cette ressource vint à manquer, l’attention de tous se porta sur la discipline des prisons, et l’on chercha par diverses méthodes à encourager chez les détenus un sentiment de retour à une meilleure vie. Il fut donc décidé que le gouvernement, c’est-à-dire en ce cas le secrétaire d’état, aurait le droit de délivrer un billet de congé, ticket of leave, à ceux des forçats qui n’avaient point servi tout le temps de la peine, mais dont la conduite était de nature à inspirer de la confiance. Ce système avait réussi à Bermuda, et il y avait lieu de croire qu’il en serait de même en Angleterre.

D’autres causes que la fermeture des colonies (c’est le nom qu’on donne à leur refus d’admettre dorénavant les transportés) ont contribué à émouvoir l’opinion publique. Au-delà du détroit, il s’est formé depuis quelques années une école de légistes et de philanthropes sérieux, à la tête de laquelle il faut placer M. M. D. Hill, ancien recorder de Birmingham[1]. Ce magistrat n’a point craint d’avouer à plusieurs reprises du haut de son siège l’impuissance du système répressif. Sans doute la justice et la police, telles qu’elles se pratiquent en Angleterre, ne sont point tout à fait inefficaces, car en incarcérant le criminel l’une et l’autre lui enlèvent pour quelque temps les moyens de nuire à la société. Elles combattent le mal, c’est vrai, mais le guérissent-elles ? M. Hill en doute, et qui oserait contester sa grande expérience ? Suivant lui, l’Angleterre fait tous les ans des efforts vraiment héroïques « pour

  1. Aujourd’hui retiré près de Bristol dans une riche et belle maison de campagne où, entouré de ses deux filles, il se livre à ses études favorites.