des mœurs, qui l’a vu mourir bon catholique, et qui, dit-il, a reçu la mission de défendre sa mémoire.
Cette mission, qui l’a donnée ? Bernard nomme Arnauld de Roquefeuille, provincial de son ordre. Bernard ajoute qu’il a déjà fait tous ses efforts pour la remplir, quand, vers la fin du mois de mai de cette année, il s’est rendu dans la ville de Marseille, où les frères prêcheurs tenaient leur chapitre général et s’est présenté devant ce chapitre comme garant de la foi de Castel. Quelle autorité peut avoir en pareil cas le mandat d’un ministre provincial ? C’est, il paraît, une question. Nicolas d’Abbeville s’éloigne et va consulter des juristes. Les juristes répondent que maître Bernard ne doit pas être entendu, et quand celui-ci se rend le 4 juillet, jour fixé pour le procès de Castel, à la maison que l’inquisiteur habite, Nicolas d’Abbeville refuse obstinément de lui donner audience : l’affaire sera jugée sans lui ; mais il y a d’autres juristes que ceux à qui Nicolas d’Abbeville a demandé conseil. Bernard s’adresse à Jean de Pena, docteur en décret, canoniste d’un grand poids, et sur son avis il appelle du refus qu’on a fait de l’entendre. L’instrument de l’appel étant rédigé, Bernard, accompagné de quelques amis, va de nouveau trouver l’inquisiteur. Cette fois Nicolas d’Abbeville ne veut ni de controverse ni de pourparlers, et, voyant de loin venir Bernard et sa suite, il fait fermer sa maison. On lit donc la pièce en pleine rue, et, non sans tumulte et sans bravade, on affiche le parchemin sur la porte close avant de se retirer[1]. Telle est la première scène d’un long drame, un drame qui dure vingt ans, dont nous nous proposons de raconter ici, d’après de nombreux témoignages[2], les incidens variés et tragiques.
Né dans la ville de Montpellier[3], Bernard Délicieux s’est engagé dans l’ordre de saint François en l’année 1284, et depuis ce temps il a fait différens voyages en France, en Italie, allant de
- ↑ Une copie de cette pièce curieuse nous a été conservée. Elle est dans le t. XXXIV, fol. 123, des manuscrits de Doat, à la Bibliothèque impériale.
- ↑ La plupart de ces témoignages nous sont offerts par un précieux manuscrit de la Bibliothèque impériale, inscrit dans le fonds latin sous le no 4270. Il contient les pièces du procès, commencé en 1318, continué en 1319, contre Bernard Délicieux, et porte ce titre : Processus insignis contra fratrem Bernardum Delitiosi. C’est un volume souvent mentionné par Et. Baluze, qui l’a fait copier sur un manuscrit de Carcassonne et en a publié quelques extraits dans son recueil intitulé Vitæ papar. Avenion., t. II, col. 341 et suiv.
- ↑ Voyez Bernardus Guidonis, Historiens de France, t. XXI, p. 747.