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Le 15 mars, jour de la Passion, Bernard prêchait au couvent d’Albi devant un peuple nombreux. Nous avons l’analyse de son sermon. Il conseille encore la patience ; du roi de France, pas un mot, aucune allusion à ce qu’il aurait dû faire et n’a pas fait : il ne s’agit que du vidame et de son appel. Quelques jours après, Bernard est à Carcassonne, où il prêche dans l’église de son ordre le jour des Rameaux. Il n’a pas, dit-il, de nouvelles. L’appel n’est pas jugé ; mais présentement pas de conflits, pas de violences. Jusqu’à ce qu’on ait appris la résolution des commissaires qui seront chargés par le pape de connaître les griefs du pays albigeois, il faut savoir tout supporter. Ensuite, s’il n’est pas fait justice à tant de plaintes, le temps sera venu de prendre des résolutions nouvelles, et, si les circonstances veulent des martyrs, il y en aura.

Sur ces entrefaites, Pierre Probi et Arnauld Garcia vont trouver Bernard, lui rapportent leur entretien avec Élie Patrice et lui demandent quelle est son opinion sur la défection projetée. À cette question trop précise, Bernard répond d’abord qu’il ne peut blâmer ceux qui, par toutes les voies, tendent au salut de la patrie. « C’est cela, dit aussitôt maître Arnauld Garcia, il faut se soustraire aux mains de ses ennemis, soit avec l’aide de Dieu, soit avec l’aide du diable. » Cependant Bernard ajoute qu’en ce qui regarde le recours au diable il ne l’a pas conseillé. Il fera ce que feront les autres. Que les syndics d’Albi se rendent auprès des consuls de Carcassonne et les interrogent. Arnauld Garcia et Pierre Probi se dirigent alors vers la maison commune, où ils trouvent les consuls assemblés et délibérant sur la grande affaire. Assistent et participent à cette délibération : les consuls Élie Patrice, Arnauld Terrien, Raymond Beleth, Guillaume de Saint-Martin, Raymond Du Puy et Raymond André, et avec eux divers conseillers et notables habitans de la ville, Raymond Propris, Bernard Amat, Bernard Jean, Guillaume Du Puy, Guillaume-Laurent Aludier, Guillaume de Mont Olive, Raymond Bena, Raymond Soquier, Barthélémy Calverie et Bertrand Vital. Élie Patrice est l’orateur de la réunion. Il expose que, livrés en proie par le roi de France à d’odieux tyrans, quelques citoyens de Carcassonne ont formé le dessein de soustraire leur pays à son obéissance ; puis, racontant les propos échangés à Nîmes avec le prince Fernand, il dit que ce jeune homme, animé des meilleurs sentimens, lui paraît mériter toute la confiance des gens de bien. Élie Patrice avait une grande autorité. Si quelques-uns des assistans trouvent son entreprise téméraire, ils ne veulent pas paraître pusillanimes et gardent le secret de leurs inquiétudes. Le vote en faveur de la défection est unanime. La séance levée, les consuls de Carcassonne se rendent à la chambre de Bernard. Cette délibération, il l’a provoquée, puisqu’il a voulu savoir si l’entreprise était approuvée