bruit épouvante, tous ces satisfaits qui ne comprennent pas qu’il y ait encore des mécontens depuis que leur fortune est faite ; pour nous qui croyons que l’habileté ne consiste pas seulement à éluder les difficultés ou à maintenir éternellement le provisoire, et que le respect timide du passé ne fait pas toujours la sécurité de l’avenir, nous devons savoir gré aux gens qui osent dire que l’inertie n’est pas la sagesse, et que le mouvement est la vie.
Ce sont là sans doute des vérités élémentaires, et pourtant on les méconnaît souvent chez nous. Nous avons la réputation d’être le plus léger et le plus mobile des peuples, celui qui se détache le plus facilement de l’influence des traditions et du respect des souvenirs ; cette réputation est fort exagérée, ou du moins, s’il y a chez nous des gens qui ne savent pas tenir en place, il faut avouer que nous en avons beaucoup aussi qui ne consentent jamais à faire un pas. Sans être un grand politique, il est facile de voir que nos révolutions ont été plus souvent l’œuvre des conservateurs que des révolutionnaires. Elles sont presque toujours devenues inévitables parce que le parti qui était le maître ne voulait pas convenir que le pays qui avait le bonheur d’être gouverné par lui pouvait avoir quelque chose à souhaiter. À ces résistances systématiques, il est naturel qu’on réponde par des emportemens furieux. Cette répugnance à faire des concessions utiles en temps opportun a été cause que les changemens les plus simples, les progrès les plus naturels, n’ont pu être obtenus que par la violence, à peu près comme dans certains climats il est impossible d’avoir de la pluie sans orage ; mais c’est surtout dans les choses de l’enseignement que nous sommes conservateurs obstinés. M. Renan nous accuse d’avoir pieusement gardé dans nos lycées le régime des collèges des jésuites, et je ne crois pas qu’il soit possible de le contredire. En réalité, nos méthodes d’éducation n’ont guère changé depuis deux siècles. C’est en vain qu’une grande révolution a bouleversé la société française ; elle s’est fait à peine sentir dans l’enseignement. On pénètre dans notre société démocratique par la même porte qui donnait accès à ce monde d’aristocrates et de privilégiés du siècle dernier. Nous voyons les institutions, même les plus attaquées, survivre à tous les ébranlemens politiques, car, par un privilège étrange, dans ce pays si tourmenté, ce sont surtout les abus qui durent. Sous le règne de Louis-Philippe, l’opposition n’avait pas de railleries assez fortes contre le programme du baccalauréat, qui véritablement n’était pas irréprochable. Arago avait plusieurs fois égayé la chambre à ce sujet. Quand l’opposition fut au pouvoir en 1848, elle créa une école d’administration, et s’empressa de lui donner à peu près ce programme dont elle s’était tant moquée. Ce