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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/90

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destinées au monde païen, qu’inaugurèrent Paul et Barnabas. C’est là que Pierre, dont l’autorité était si grande parmi les chrétiens de Palestine, eut la mortification de s’entendre accuser publiquement d’inconséquence et de lâcheté. En un mot, l’église primitive d’Antioche est le berceau du libéralisme chrétien.

L’extrême rareté des documens sûrs qui puissent nous renseigner sur l’histoire locale de cette importante église pendant le IIe siècle et la première moitié du IIIe ne nous permet pas de dire jusqu’à quel point cet esprit libéral se maintint dans son sein après la disparition de la première génération chrétienne ; nous voyons seulement que, parmi ses directeurs au IIe siècle, on doit compter Ignace le martyr, dont nous savons très peu de choses certaines, si ce n’est qu’il fut un partisan zélé de Paul. Théophile d’Antioche, évêque de cette ville vers l’an 180, auteur d’une apologie médiocre du christianisme, est un admirateur du quatrième évangile, le premier écrivain chrétien de nom connu qui le cite formellement, par conséquent un partisan de la théorie du Verbe. Cela ne nous dit rien quant à son libéralisme, qui ne doit pas avoir été grand, s’il faut en juger par l’injustice avec laquelle il parle de l’antiquité païenne. En 252, un évêque d’Antioche, du nom de Fabien, se montre assez disposé à prendre le parti de Novatien contre l’évêque de Rome, Corneille. En somme, tout cela est bien peu concluant. La seule chose que nous puissions affirmer, c’est qu’au IVe siècle l’église d’Antioche ne mentit pas à ses origines libérales, et que, dans la seconde moitié du IIIe son attachement à son évêque, Paul de Samosate, condamné, calomnié et excommunié par de nombreux évêques, ne peut pas être attribué à un caprice momentané. Il est donc permis de présumer que, plus ou moins vivante, plus ou moins contrariée peut-être par les événemens et les influences du dehors, la tradition libérale des premiers jours se perpétua jusqu’au moment où les unitaires y levèrent la tête assez haut pour inquiéter sérieusement l’épiscopat, emporté dans une tout autre direction.

Cet évêque Paul était originaire de Samosate, localité située près de l’Euphrate. Il demeurait toutefois depuis nombre d’années à Antioche, où il était arrivé pauvre, mais où il avait atteint une assez haute position. Il était ducenarius procurator, c’est-à-dire receveur d’un rang élevé et de ceux à qui un rescrit de l’empereur Claude avait accordé les insignes consulaires. Que, revêtu d’une telle charge, il ait été élu évêque par le presbytérat et le peuple chrétien d’Antioche, cela prouve en faveur de son caractère et de son intégrité, car à cette époque l’élection des évêques par leurs diocésains était encore chose très sérieuse. Son élection eut lieu en 260, la dernière année du règne de Valérien. Sa popularité ne fit