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seront partis, la consulte fera prêter serment, en commençant par les évêques[1]. »


Ainsi le parti de l’empereur était pris, et comme il était dans sa nature, une fois décidé. de tenir rigoureusement la main à l’accomplissement de ce qu’il avait résolu, il ne manque pas de revenir souvent à la charge. On dirait même, à voir son insistance, qu’assuré d’être en définitive ponctuellement obéi, il craint de n’être pas entièrement approuvé, et qu’il doute un peu du zèle de ceux qui, à Paris comme à Rome, doivent être chargés de l’exécution de ses volontés. Durant le voyage entrepris dans le Brabant avec sa jeune épouse au printemps de 1810, Napoléon ne cesse d’écrire à son ministre des cultes des lettres où respire, au lieu de la facile indulgence qui aurait été si naturelle de la part de l’heureux souverain à qui tout souriait en ce moment, un ton d’amertume et de rudesse.


« Donnez ordre, écrit-il de Bar-Ie-Duc, où la population catholique lui avait fait un gracieux accueil, donnez ordre que conformément à nos lois il ne soit plus consacré aucun prêtre dans les deux départemens de Rome et du Trasimène sans ma permission. Prescrivez aux préfets, sous préfets, et maires de tenir la main à l’exécution de cet ordre. Donnez ordre que tous les prêtres séculiers, religieux ou religieuses étrangers à la ville de Rome retournent dans la commune où ils sont nés. Donnez ordre, à la consulte de faire prêter serment à tous les évêques, d’envoyer en France ceux qui s’y refuseraient, et de faire mettre le séquestre sur leurs biens… Il faut que ces mesures précèdent de quinze jours le décret qui supprime toutes les corporations religieuses, qui vous sera expédié par le secrétaire d’état. Mandez à la consulte que, des sièges existans, plusieurs sont vacans par les démissions données à Paris par les cardinaux titulaires (les cardinaux noirs), que probablement un grand nombre va vaquer par le refus que feront les titulaires de prêter serment, que je n’attache pas d’importance à ce qu’ils prêtent tous serment, ne voulant conserver dans les deux départemens que trois évêchés ou quatre au plus…[2]. »


De Berg-op-Zoom, trois jours après, il expédie à son ministre des cultes de nouvelles prescriptions encore plus rigoureuses, dictées pendant les courts instans de loisir que lui laissent les fêtes continuelles qui signalent sa présence et celle de l’impératrice.


« Vous recevrez un décret par lequel j’ordonne qu’au 15 juin tous les

  1. Notes au ministre des cultes, Compiègne, 15 avril 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 289.
  2. Lettre de l’empereur Napoléon au comte Bigot de Préameneu, ministre des cultes, Bar-le-Duc, 7 mai 1810. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 330.