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orientale de l’empire, avait rattaché aux intérêts romains une famille notable de la Palmyrène dont nous voyons presque tous les membres ajouter par reconnaissance le nom de Septime à leur nom indigène. Le chef de cette famille, subsidiée par le trésor impérial, était sénateur à Palmyre, phylarque des tribus arabes du voisinage, et ne tarda point à devenir le personnage le plus important de l’Orient. Bientôt, c’est-à-dire après la chute de la dynastie des Sévères, il se refroidit dans son zèle romain. Lorsque Philippe l’Arabe fut élevé à l’empire (244), Septimius Aïranès, fils du protégé de Septime Sévère, se joignit aux Syriens révoltés contre le frère de Philippe et proclama l’indépendance de Palmyre. Son fils Odenath, qui avait épousé Zaïnab ou Zénobie, princesse arabe renommée pour sa beauté et son savoir, suivit la même politique, et se fit même l’allié de Sapor, roi de Perse, quand celui-ci vint envahir la Syrie et s’emparer d’Antioche. Valérien marcha contre l’envahisseur, et les Perses, battus par les Romains sous les murs d’Émèse, durent repasser l’Euphrate, ce qu’ils ne purent faire sans laisser une grande partie de leur butin entre les mains d’Odenath, qui jugeait le moment propice pour renouer l’ancienne alliance avec l’empire. On sait que Valérien, en poursuivant les Perses, tomba dans un piège stratégique et paya son imprudence de sa liberté. Aussitôt Odenath envoie à Sapor l’offre de renouveler l’alliance. Sapor, furieux, le somma de se constituer prisonnier, ce qui le rejeta dans le parti romain, auquel il rendit les plus éminens services. Il réorganisa l’armée romaine démoralisée, lui adjoignit ses Arabes, et, toujours accompagné de Zénobie, qui partageait tous ses dangers, contraignit Sapor à évacuer Antioche, le battit sur les bords de l’Euphrate et l’assiégea dans Ctésiphon, sa capitale ; puis il se décerna le titre de roi, avec l’approbation de l’empereur Gallien, qui n’osait rien lui refuser. L’empire était en proie à l’anarchie. Odenath, débarrassant la Syrie des prétendans qui s’y faisaient la guerre, refoule les Goths, qui avaient envahi l’Asie-Mineure, dirige une nouvelle expédition victorieuse contre les Perses, envoie à Gallien des satrapes et des généraux prisonniers (ce qui lui permet, quoiqu’il n’ait pas bougé de Rome, de s’accorder les honneurs du triomphe) ; puis, non content du titre de dux Orientis, qu’il tient de l’empereur, il se déclare lui-même auguste et force Gallien à le reconnaître en cette qualité. Il y avait donc par le fait un empire d’Orient dont Palmyre était la capitale et Odenath le souverain. C’est au moment où celui-ci atteignait ainsi le comble de la prospérité qu’il fut assassiné, ainsi que son fils aîné, par son neveu, que les soldats indignés massacrèrent sur l’ordre de Zénobie. Ce dernier fait contredit les soupçons, en eux-mêmes bien invraisemblables, mais parfois émis, qui font de Zénobie l’instigatrice de ce meurtre.